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Pavane | Keith Roberts | 1968


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 11/05/2021 | Lu 868 fois






Pavane | Keith Roberts | 1968
L’Invincible Armada, lancée, en juillet 1588, à l’assaut de l’Angleterre hérétique par les forces catholiques, triomphe de la tempête et profite de l’assassinat de la grande Elisabeth. La papauté pavoise.

L’Histoire a changé de cours.

Au XXe siècle, des locomotives à vapeur disputent les routes aux cavaliers ; les nouvelles sont transmises par des réseaux de sémaphores ; on chasse les sorcières, et les seigneurs féodaux appuient leurs révoltes de sciences impies comme l’électricité et la chimie.

Un classique de l’uchronie, salué par Anthony Burgess comme l’un des meilleurs romans britanniques, et par Eric B. Henriet, le plus grand spécialiste du genre, comme « incontestablement le chef-d’œuvre du thème » dans sa somme, L’Histoire revisitée.

Fiche de lecture

Quand l'Histoire déraille...

Nous sommes au 20ème siècle dans un moyen-âge qui se prolonge. L'Histoire a divergé en 1588, quand un fanatique papiste finit par avoir la peau de la reine Elisabeth, plongeant l’Angleterre dans la guerre civile. Opportuniste, Philippe II d’Espagne saisit alors sa chance et lance l’Invincible Armada à la conquête de l’Europe du nord, qui tombe ainsi sous la férule de l’Eglise catholique. Nous sommes donc en pleine uchronie (dans le bon vieux temps, on classait cela dans la catégorie des univers parallèles). L’Eglise étend son emprise sur le monde occidental et sur les colonies d’Amériques, imposant une loi de fer dont l’un des effets majeurs est la stagnation ou la très lente évolution du progrès technique.

En bon disciple d'un Wyndham, Keith Roberts situe son action en Angleterre, comme si les évènements qui s’y déroulent primaient sur ceux que peut connaître le reste de la planète, avec des répercutions universelles. C’est typique de cette lignée d’écrivains qui, de John Wyndham à J. G. Ballard en passant par Vargo Statten, font de Londres ou du Royaume-Uni le centre de l'univers connu. Ce positionnement donne une saveur particulière aux œuvres concernées. Ici, Keith Roberts le dépeint à travers six tableaux qui évoquent avec force un monde étrange, dont les réalisations techniques sont sévèrement contrôlées et tolérées entre d’étroites limites par l’Eglise, qui ne lâche du lest qu’avec parcimonie. L’auteur suit la tradition SF du pays de sa Gracieuse Majesté et prend un soin tout particulier à la description détaillée des situations, au déroulement lent et mesuré des intrigues, apportant ainsi cohérence et crédibilité à une œuvre que nous qualifierons de magistrale.

Dans ce monde où domine l’obscurantisme, agissent des forces contraires. Le mysticisme religieux favorise l’apparition de la magie, des elfes, du peuple des forêts dans le plus pur respect des lois de la thermodynamique qui veulent que toute action appelle une réaction. Et c’est bien le sens de cet ouvrage que de décrire ces oppositions, dont le point d’équilibre conditionne le futur, et donc le bonheur de l’homme. Car c’est de cela dont il s’agit, et la démonstration de Keith Roberts est éblouissante. Sa démarche d’abord : l’évocation de cet univers par tableaux successifs restitue avec talent ce monde imaginaire. On partage la dureté des conditions de vie du mécanicien de la Lady Margaret, son comportement taciturne, sa méfiance et ses rêves… Le « signaleur » est une autre figure, presque monastique, à la grandeur et au destin tragiques. On embrasse les doutes et la révolte intérieure de frère Jean, sorte de Fra Angelico chargé d’immortaliser sous son pinceau les scènes terribles auxquelles il assiste lorsque la Sainte Inquisition s’adonne à la Question.

Oui dans ce livre, l’Eglise opprime, torture, retient l’humanité dans un carcan rétrograde. Elle freine le développement de la technique (voir la bulle papale « petroleum veto »). Mais ce faisant, elle ne fait que retarder une évolution irrémédiable, et cette politique représente à terme un cadeau inestimable pour l’humanité. En effet, grâce aux quelques siècles de répit procurés avant l’inévitable effondrement de l’Institution, l’homme recueille les fruits du progrès fort d’une sagesse qu’il ne possède pas dans notre réalité. Keith Roberts souligne à la fin de son ouvrage que, grâce à l’action de l’Eglise, le monde qu’il a imaginé ne connaîtra jamais quelque chose comme Auschwitz.

Le lecteur comprendra que nous avons affaire à un livre incontournable, un des sommets de la SF d’outre-Manche, et de la SF tout court. Keith Roberts n’est pas un auteur prolifique.

Les Furies, un de ses autres romans, est une excellente variation des fins du monde à la sauce britannique, et « Survol » est également un texte tout à fait remarquable. Mais « Pavane » représente vraiment un jalon dans son œuvre. Régulièrement réédité, il se doit de figurer en bonne place dans nos bibliothèques.

Didier Reboussin
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💬Commentaires

1.Posté par Erwelyn CULTURE MARTIENNE le 16/05/2021 10:53 | Alerter
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erwelyn
Classique de l'uchronie steampunk mais que je n'ai jamais lue. Merci de nous rappeler son importance dans la littérature SF ♥

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