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Le Mystère du Pont Gustave-Flaubert | Pierre Thiry | 2012


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 13/01/2013 | Lu 2439 fois






Photo @ Koyolite Tseila | Edition privée
Photo @ Koyolite Tseila | Edition privée
Ce récit évoque quelques impressions sur des personnages réels : Gustave Flaubert, Giovanni Bottesini, Rouen, le pont Gustave Flaubert... Un grand écrivain, un compositeur de musique oublié, une ville normande, un pont levant peuvent-ils s'emmêler dans la même intrigue ? Giovanni Bottesini (1821-1889) et Gustave Flaubert (1821-1880) se sont-ils rencontrés ? Ce "roman", très imaginaire, où il est question : d'un vélo volé, d'un opéra disparu, du détective privé Jules Kostelos, d'une bibliothécaire portant le nom de Salammbô, du chat noir Charles Hockolmess et d'un rassemblement de vieux gréements à Rouen en 2017, apportera-t-il une réponse ?

Note de l'auteur

Pourquoi est-ce que j'ai écrit ce roman ?

Ce livre est une fantaisie née de l'envie de brosser un récit dont le pont Gustave-Flaubert serait comme un sorte d'accompagnement de contrebasse: une présence/absence, une discrète suite de notes dont on pourrait presque se passer et qui sont pourtant indispensables. Depuis longtemps je m'interroge sur les rapports entre Flaubert et la musique. Il y a de la musique dans son écriture, mais comment écoutait-il la musique des musiciens? A travers une aventure du «détective privé» Jules Kostelos, la parole sera largement donnée à Flaubert dans un roman où réapparaît Charles Hockolmess le chat noir au chapeau melon mais aussi un certain Giovanni Bottesini virtuose de la contrebasse et contemporain de Gustave Flaubert...Un hommage à Gustave Flaubert qui se déroule dans une ville de Rouen quelque peu revisitée par le rêve...

Fiche de lecture

P. 263 : « Tous ces grands princes de la marine à voiles étaient obligés de baisser la tête sous le ventre de ce pont qui malgré ses cinquante mètres de haut, ne parvenait pas à atteindre la hauteur des plus grands mâts. Tous avaient donc dû rabattre un peu, replier, démonter, le haut de leurs mâts pour ne pas dépasser la hauteur limitée. C’était donc à une longue procession de navires un peu abattus, à laquelle on pouvait assister. Comme s’ils avaient reçu le ciel sur la tête, ils défilaient telle une forêt élaguée, les voiliers rapetassés. Le spectacle était grandiose tout de même. Le pont, élevé de toute sa hauteur semblait sensible à l’hommage qui lui était rendu. Chaque équipage y allait de sa sirène, les mâts étaient pavoisés de toutes les couleurs. La cuvette dans laquelle Rouen somnolait se transformait en un résonnant amphithéâtre, rempli des vibrations d’un orgue gigantesque dont les tuyaux faisaient sonner leurs harmoniques sous la lyre du pont dont les cordages étaient tendus à l’extrême. »

2017. Tandis que dehors a lieu - comme tous les 4 ans - un grand rassemblement de voiliers au port de Rouen, le détective Jules Kostelos, lui, est confortablement installé chez lui dans son fauteuil Voltaire, occupé à la lecture d’un vieux livre en papier du célèbre écrivain Gustave Flaubert. Rêveur, il laisse son regard vagabonder sur une gravure en noir et blanc représentant deux individus, tout en s’attardant sur la signature au bas de celle-ci : « JL ». Que signifient ces initiales ? Qui se cache derrière celles-ci ? Voilà une énigme que, en tant que détective, il se doit de résoudre. C’est alors que son téléphone sonne. Son interlocuteur, le commissaire Jeton, le branche sur une enquête de la plus haute importance : le vol de son propre vélo !

Sur le thème du Pont Gustave-Flaubert, Pierre Thiry compose des aventures dans lesquelles il donne libre cours à sa fantaisie. Des histoires à priori sans rapport les unes avec les autres, mais qui, petit à petit, se recoupent…
Le Pont Gustave-Flaubert | Photo issue de Wikipédia
Le Pont Gustave-Flaubert | Photo issue de Wikipédia

Musicalité des mots, arpèges d’adjectifs, triolets de verbes et de substantifs, bécarres de ponctuations, gammes de poésie, variations de rythmes… cet ouvrage m’évoque une composition musicale (de jazz peut-être ?) qui a pour thème principal « Le Pont Gustave-Flaubert », un thème sur lequel le musicien qu’est Pierre Thiry a plaisir à jouer une série d’improvisations et de déclinaisons, des solos de petites notes issues de son imagination.

P. 109 : « Fasciné, il regardait la silhouette du pont Gustave-Flaubert qui le narguait. Dans le brouhaha des badauds et des bateaux, il lui semblait que les câbles qui descendaient des quatre papillons du pont étaient de gigantesques cordes de contrebasse, vibrant d’un ronflement prodigieux, subjuguant la foule de leurs pizzicati invraisemblablement graves. »

Ce roman est également un hommage de Pierre Thiry à l’écrivain Gustave Flaubert, contemporain de Charles Baudelaire, qui marqua la littérature du XIXème siècle. Jadis à la fois admiré pour sa force littéraire et contesté pour des raisons morales, de nos jours, Gustave Flaubert est considéré comme l’un des plus grands romanciers de son époque.
Gustave Flaubert (1821-1880) | Photo issue de Wikipédia
Gustave Flaubert (1821-1880) | Photo issue de Wikipédia

Mais ce roman est aussi un hommage de Pierre Thiry à la ville de Rouen, ainsi qu’à ses nombreux lecteurs. Tel un musicien sur scène, Pierre Thiry adresse des clins d’œil à son auditoire, qui ne pourra qu’apprécier cette chaleureuse attention.

P. 261, hommage de l’auteur au Galion des Etoiles : « Derrière cette goélette venait Le Galion des Etoiles, un immense navire à trois-mâts, arborant un drapeau Européen rempli d’étoiles. Il avait été affrété par l’association des blogueurs littéraires amateurs de littérature fantastique. Ses cales abritaient une médiathèque d’un éclectisme joyeux. Sur le pont, aux sons d’une composition de John Cage, un robot trapu en forme de lave-vaisselle humaniste dansait en enlaçant tendrement une longiligne lunette astronomique, montée sur quatre pieds qui lui donnaient une allure de girafe futuriste. Ce navire avançait à l’aide de voiles et de grands panneaux solaires. »

En plus de son aspect musical, ce roman possède une autre particularité, qui est celle d’avoir intégré dans la narration des morceaux de textes de Gustave Flaubert (les notes en bas de pages permettent de s’instruire et invitent le lecteur à découvrir - ou redécouvrir - les écrits de Gustave Flaubert dans leur contexte original). Ce mélange de textes « Thiry-Flaubert » est « harmonieusement dissonant ». Harmonieux, parce que les textes de Gustave Flaubert choisis par Pierre Thiry s’incorporent – ô véritable prouesse !- parfaitement à son histoire. Et dissonant (mais loin d’être désagréable, au contraire !), parce que les deux auteurs possèdent deux styles bien différents, bien distincts, propres à eux. Cette alternance de styles est intéressante. Le « Thiry-Flaubert » m’évoque un morceau de piano à quatre mains, un jeu pianistique exécuté par deux interprètes sur le même piano.

Pierre Thiry présente une gamme de personnages originaux. Parmi ceux-ci, mes préférés sont le détective Jules Kostelos et la bibliothécaire Salammbô (personnage imaginaire, dont le prénom a été inspiré à Flaubert par l’un des surnoms de la déesse égyptienne Astarté : Selem-Baal), ainsi que le chat noir Charles Hockolmess (personnage du livre « Ramsès au Pays des Points-virgules ), que je retrouve ici avec plaisir.
Salammbô, peinture par Gaston Bussière, 1907 | Photo issue de Wikipédia
Salammbô, peinture par Gaston Bussière, 1907 | Photo issue de Wikipédia

Bien sûr, cet ouvrage n’est pas sans petits défauts. On y trouve quelques répétitions ou descriptions qui alourdissent le récit dans certains passages. De même, la mise en page n’est pas parfaite. Pierre Thiry est un auteur qui a recours à l’autoédition (Book on Demand). A travers ses deux précédents petits livres (et celui-ci aussi, je l’espère !), il a su conquérir le cœur de ses lecteurs grâce à son joli style poétique et son imagination. Ce qui lui faudrait à présent pour pouvoir véritablement décoller, c’est un éditeur qui prenne en charge la logistique et la promotion de ses oeuvres. Alors : à bon entendeur !

En conclusion, ce qui m'a plu dans cette lecture, c’est l’originalité de l’œuvre et sa musicalité. Cet ouvrage a quelque chose d’unique, que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Il devrait tout particulièrement plaire aux amateurs de littérature.

Koyolite Tseila
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