The Last Tales of the Shadowmen, recueil dans lequel figure la version US de mon texte @ 2023 Black Coat Press
Introduction
Samedi 16 septembre 2023.
Entre 17 et 18h, je suis en pleine dĂ©tente au bord de mon lac prĂ©fĂ©rĂ©, en ce genre d'endroit oĂč prĂ©vaut la sensation d'ĂȘtre hors du monde, hors du temps, au seuil du fantastique et de l'extraordinaire, comme prĂȘt Ă recevoir un message divin. Ă chacun ses dieux, disait Papy Simak, du Fleuve pour Farmer, de Pegana pour Lord Dunsany, du Grand Loin pour Coney. Ici, celui qui m'appelle, c'est celui de la RiviĂšre Blanche, Jean-Marc Lofficier.
Sa volontĂ© est de me voir figurer au sommaire de sa 20e et derniĂšre anthologie U.S. de la sĂ©rie Tales of the Shadowmen (Les Compagnons de l'Ombre) paraissant aux Ătats-Unis chez Black Coat Press (la maison mĂšre de RiviĂšre Blanche).
Il me soumet donc en une minute l'idée de trame pour un texte ultra court de 4 à 5 feuillets maximum. Le point de départ, deux ou trois détails intermédiaires, les personnages à mettre en scÚne, la chute. Je devrai lui envoyer ma copie au plus tard mercredi prochain en français, et il traduira directement la nouvelle en américain.
Je n'ai rien pour noter. Je mémorise au mieux chacun des points d'ancrage. Tout le reste, ce sera à moi de le trouver.
C'est une inévitable évidence, j'accepte. Et, illico, ça commence à infuser.
La version 00 est finie le dimanche matin vers 9h. Labyrinthique, avec des ratures à la pelle et des renvois dans tous les sens. à la limite de l'indéchiffrable.
La version 01, plus propre et lisible, est bouclée le lundi matin vers 10h.
Les deux ont été rédigées en un total d'environ 5 heures. Au stylo bille sur papier A4, comme d'hab' pour ce genre d'exercice.
D'ici le mercredi matin, le texte sera passé en Word et expédié au Maßtre.
Conséquence énorme de ce challenge réussi : je me sens à nouveau capable d'écrire vite, a priori pas trop mal, et la mécanique d'association-agglomération d'idées refonctionne comme avant. Je me serai amusé comme un fou.
De plus, ce crossover entre plusieurs univers de la science-fiction populaire que je maĂźtrise bien (certains beaucoup plus cĂ©lĂšbres aux Ătats-Unis que chez nous) « dĂ©boĂźte gavĂ© », en langage moderne.
Précision importante : j'ai eu carte blanche pour compléter l'esquisse initiale avec tout ce qui pouvait me sembler pertinent, à condition de citer en notes finales toutes les références appelées. Autant dire que je ne me suis pas privé de me faire plaisir !
L'anthologie américaine est sortie en novembre 2023. Mon texte en V.F. paraßtra dans un prochain tome des Compagnons de l'Ombre, au-delà des 30 déjà publiés par RiviÚre Blanche, à une date non fixée à ce jour.
Le voici en avant-premiĂšre. Ă vous, maintenant, de vous accrocher aux branes multidimensionnelles !
Jean-Michel Archaimbault
Entre 17 et 18h, je suis en pleine dĂ©tente au bord de mon lac prĂ©fĂ©rĂ©, en ce genre d'endroit oĂč prĂ©vaut la sensation d'ĂȘtre hors du monde, hors du temps, au seuil du fantastique et de l'extraordinaire, comme prĂȘt Ă recevoir un message divin. Ă chacun ses dieux, disait Papy Simak, du Fleuve pour Farmer, de Pegana pour Lord Dunsany, du Grand Loin pour Coney. Ici, celui qui m'appelle, c'est celui de la RiviĂšre Blanche, Jean-Marc Lofficier.
Sa volontĂ© est de me voir figurer au sommaire de sa 20e et derniĂšre anthologie U.S. de la sĂ©rie Tales of the Shadowmen (Les Compagnons de l'Ombre) paraissant aux Ătats-Unis chez Black Coat Press (la maison mĂšre de RiviĂšre Blanche).
Il me soumet donc en une minute l'idée de trame pour un texte ultra court de 4 à 5 feuillets maximum. Le point de départ, deux ou trois détails intermédiaires, les personnages à mettre en scÚne, la chute. Je devrai lui envoyer ma copie au plus tard mercredi prochain en français, et il traduira directement la nouvelle en américain.
Je n'ai rien pour noter. Je mémorise au mieux chacun des points d'ancrage. Tout le reste, ce sera à moi de le trouver.
C'est une inévitable évidence, j'accepte. Et, illico, ça commence à infuser.
La version 00 est finie le dimanche matin vers 9h. Labyrinthique, avec des ratures à la pelle et des renvois dans tous les sens. à la limite de l'indéchiffrable.
La version 01, plus propre et lisible, est bouclée le lundi matin vers 10h.
Les deux ont été rédigées en un total d'environ 5 heures. Au stylo bille sur papier A4, comme d'hab' pour ce genre d'exercice.
D'ici le mercredi matin, le texte sera passé en Word et expédié au Maßtre.
Conséquence énorme de ce challenge réussi : je me sens à nouveau capable d'écrire vite, a priori pas trop mal, et la mécanique d'association-agglomération d'idées refonctionne comme avant. Je me serai amusé comme un fou.
De plus, ce crossover entre plusieurs univers de la science-fiction populaire que je maĂźtrise bien (certains beaucoup plus cĂ©lĂšbres aux Ătats-Unis que chez nous) « dĂ©boĂźte gavĂ© », en langage moderne.
Précision importante : j'ai eu carte blanche pour compléter l'esquisse initiale avec tout ce qui pouvait me sembler pertinent, à condition de citer en notes finales toutes les références appelées. Autant dire que je ne me suis pas privé de me faire plaisir !
L'anthologie américaine est sortie en novembre 2023. Mon texte en V.F. paraßtra dans un prochain tome des Compagnons de l'Ombre, au-delà des 30 déjà publiés par RiviÚre Blanche, à une date non fixée à ce jour.
Le voici en avant-premiĂšre. Ă vous, maintenant, de vous accrocher aux branes multidimensionnelles !
Jean-Michel Archaimbault
LE CHOC DES MONDES
Jean-Michel Archaimbault
Sur une idée de Jean-Marc Lofficier
Jean-Michel Archaimbault
Sur une idée de Jean-Marc Lofficier
Le lieu de l'appel Ă texte | Lac d'Hourtin, photo @ Jean-Michel Archaimbault
La nef sphĂ©rique avait Ă©mergĂ© de la noirceur absolue dans lâexplosion blafarde dâune lumiĂšre dâabĂźme. Son unique passager nâen crut ni les Ă©crans de visualisation, ni ses yeux lorsquâil reconnut lâimmense galaxie en arriĂšre-plan de lâamas stellaire vers lequel filait son vaisseau.
â La Voie LactĂ©e ! Câest bien elle ! Les MaĂźtres Insulaires[1] mâont donc renvoyĂ© chez moi⊠?
Les tyrans dâAndromĂšde avaient-ils usĂ© de lâarme Akka[2], du disrupteur[3] capable de briser lâespace-temps, ou d'autre chose ? La question resterait sans rĂ©ponse. Impossible, aussi, dâĂ©valuer la durĂ©e de ce retour.
Mais un esprit aussi fort, dĂ©terminĂ©, combatif et retors que le sien ne cĂ©dait ni Ă la surprise, ni Ă lâinquiĂ©tude, ni au dĂ©couragement. Le pragmatisme, la soif dâaction et lâopportunisme lâemportaient toujours. Puisquâil Ă©tait de retour, des perspectives tout Ă coup diffĂ©rentes sâoffraient Ă lui. Il nâavait plus quâĂ adapter ses plans.
Sous le cratĂšre Asgard de Callisto, le Centre dâInternement de Haute SĂ©curitĂ© Ă©tait la prison la plus sophistiquĂ©e et inviolable du MartervĂ©nux[4]. Par consĂ©quent, les dĂ©tenus enfermĂ©s dans ses cellules de force incarnaient la quintessence de la criminalitĂ©, toutes espĂšces intelligentes et toutes catĂ©gories de forfaits confondues.
Lâindividu immatriculĂ© INFER-XBO-125 pouvait passer pour un Terrien dâorigine europĂ©enne, mais comme dĂ©phasĂ© dâau moins deux cents ans en cette fin du XXIIe siĂšcle. Autant il datait par sa façon de sâexprimer, de se comporter et par certaines de ses attitudes, autant, au contraire, ses connaissances scientifiques, technologiques et astronautiques laissaient sur le carreau les plus Ă©minentes sommitĂ©s des Trois-PlanĂštes qui lâavaient interrogĂ© depuis sa capture rocambolesque.
VĂ©ritablement surgi de nulle part, le mystĂ©rieux personnage Ă©tait ignorĂ© de toutes les banques de donnĂ©es du MartervĂ©nux et de la ConfĂ©dĂ©ration. En quelques mois, avec son vaisseau invulnĂ©rable et insaisissable, il avait tracĂ© Ă travers la Voie LactĂ©e un sillage de hauts faits et dâexactions retentissants. Pour une fois, tous les mĂ©dias Ă©taient dâavis unanime : « lâOiseau Noir » entrerait dans lâHistoire galactique comme le plus fieffĂ© pirate de tous les temps.
Interpol-Interplan avait usĂ© ses moyens, son Ă©nergie, sa motivation et son souffle dans cette vaine course-poursuite, sans parler de tous les agents perdus ou rendus fous. Car, pour comble, lâinconnu disposait aussi de notables facultĂ©s parapsychiques.
Au nom de l'organisation policiĂšre dont le rĂ©seau s'Ă©tendait Ă toute la ConfĂ©dĂ©ration, le haut commissaire Robin Muscat avait alors dĂ©cidĂ© de faire appel Ă l'officier spĂ©cial Bruno Coqdor, le Chevalier de la Terre, pour intercepter l'Oiseau Noir. Et ce hĂ©ros de l'espace aux cĂ©lĂšbres exploits avait accompli la mission, au terme dâune des aventures les plus frĂ©nĂ©tiques, hallucinantes et pĂ©rilleuses de sa carriĂšre dĂ©jĂ longue. GrĂące Ă lui et Ă son fidĂšle RĂąx, le bouledogue-chauve-souris de la planĂšte DzĂŽ, une inconcevable catastrophe avait sĂ»rement Ă©tĂ© Ă©vitĂ©e in extremis.
â Nous ne saurons jamais comment ce diable dâOiseau Noir a eu vent de lâexistence du chronon captif et du lieu secret oĂč il est gardĂ© en hypersĂ©curitĂ©, ni ce qui lâa poussĂ© Ă vouloir sâen emparer ! Jâose Ă peine imaginer ce quâun forban de son acabit en aurait faitâŠ
Les invectives scandalisĂ©es du docteur Stewe, dĂ©tenteur de la terrible Particule ZĂ©ro, peu aprĂšs lâeffraction commise dans son centre de recherches et le vol du dĂ©cuple coffret pyrien abritant le grain de nĂ©ant annihilateur de temps, nâavaient apportĂ© aucune lumiĂšre sur ce volet de lâaffaire. Au final, le chronon avait Ă©tĂ© retrouvĂ© et rĂ©cupĂ©rĂ©. Le monde Ă©tait sauvĂ©.
Au cours de ses quelques semaines au C.I.H.S. de Callisto, lâOiseau Noir avait consenti Ă relater une partie des Ă©vĂ©nements. Certes, il dĂ©signait les objets et phĂ©nomĂšnes astrophysiques en des termes qui lui Ă©taient propres, mais que les experts du MartervĂ©nux avaient aisĂ©ment corrĂ©lĂ©s aux leurs.
Son vaisseau avait donc surgi face Ă lâamas pĂ©rigalactique M79-PG, aux antipodes lactĂ©ennes du SystĂšme Solaire, sur les « ailes » du Grand Rayon Livide, lâinexplicable faisceau interdimensionnel dĂ©matĂ©rialisateur-rematĂ©rialisateur. La nef sphĂ©rique Ă©tait sortie de lâaprĂšs-monde, ce vide obscur et impĂ©nĂ©trable Ă la lisiĂšre du continuum standard et dâautres univers extĂ©rieurs, sous-jacents, parallĂšles ou supĂ©rieurs. Ceux dâAndromĂšde sây entendaient, pour expulser les indĂ©sirables avides de conquĂȘte ! Mais ceux de quelle AndromĂšde⊠?
Souvent, dans le visage austĂšre et sombre encadrĂ© par une chevelure et une barbe dâun noir de jais, les yeux au regard dur sâĂ©taient voilĂ©s de regrets Ă©ternels et dâune insondable amertume.
Je ne leur rĂ©vĂ©lerai pas pourquoi il me fallait cette particule ! Changer le passĂ©, ressusciter celle que jâaimais, redevenir moi-mĂȘme et Ă©liminer les autres⊠Ce rĂȘve avortĂ© nâappartient quâĂ moi !
La notice rouge tombĂ©e sur les terminaux cryptĂ©s dâInterpol-Interplan portait les noms et signatures dâentitĂ©s et de personnalitĂ©s inconnues. Et pour cause⊠Il en arrivait bien peu de semblables, via le canal inter-univers du Petit Rayon Livide technologiquement domestiquĂ© par les gĂ©nies du MartervĂ©nux. Dans le meilleur des cas, si lâon interceptait ici le criminel recherchĂ© ailleurs, la porte transdimensionnelle activable dans un bunker spĂ©cial du C.I.H.S. permettait de le renvoyer chez lui, dĂšs le contact Ă©tabli.
Un contingent de gardes surarmés escortait le Chevalier Bruno Coqdor, Rùx et INFER-XBO-125 à travers le complexe pénitentiaire.
DĂšs lâentrĂ©e dans lâhypogĂ©e abritant lâogive du Seuil transdim, les moires diaprĂ©es du rideau inter-mondes apparurent dans leurs hypnotisantes ondulations.
Silencieux, les servants des unitĂ©s rĂ©gulatrices de la Porte fixaient lâhomme en tenue spatiale baroque qui venait de surgir du passage.
LâOiseau Noir se figea.
â Richard Seaton[5] ! Câest donc toi qui as donnĂ© lâalerte Ă ces gensâŠ
â Nul autre que moi ne lâaurait pu, Blackie. Je nâai jamais cessĂ© de te suivre, oĂč que tu sois dans lâespace, le temps⊠et les plans dâexistence. Toutes mes condolĂ©ances, dâailleurs, pour la mort injuste de StĂ©phanie⊠Tu tâĂ©tais certes rachetĂ©, avant votre dĂ©part, mais de lĂ Ă te faire une confiance aveugle et Ă©ternelle⊠La preuve !
Marc C. DuQuesne[6] venait de perdre une partie de plus. Et, avec cette ultime défaite, il devait laisser toute espérance.
â Nous aurions pu fermer les yeux, ne pas vouloir te rĂ©cupĂ©rer, et tu aurais continuĂ© Ă tâamuser Ă ta guise, aux dĂ©pens des gens de ce continuum. Mais nous avons besoin de toi, chez nous. Alors, puisquâils tâavaient capturĂ©âŠ
Ă ces mots, DuQuesne blĂȘmit et fusilla du regard le bouledogue-chauve-souris de Coqdor.
â Je mâen serais tirĂ© et jâaurais gagnĂ©, sâil nây avait pas eu ce monstre pour sâen mĂȘler ![7] explosa lâOiseau Noir.
Caressant la tĂȘte de RĂąx, le Chevalier de la Terre Ă©clata de rire.
â Se faire mordre les parties intimes par un pstĂŽr nâest effectivement pas trĂšs glorieux, prĂ©cisa-t-il. Et nous ne mentionnerons pas la douleurâŠ
Pour quelques instants, Richard Seaton perdit son sérieux. Puis il apostropha DuQuesne.
â Tu parles dâun monstre, Blackie ! Tu te mesureras bientĂŽt Ă un vrai, dâune toute autre envergure. Une horreur verte qui menace notre Terre et nos planĂštesâŠ
â Les Fenachrones sont de retour ? Ou les Chlorans ?
â Non, par Norlamin ! Câest Ă la fois moins grave et pire. « Quelque chose » a dĂ©cidĂ© de mettre nos plus importantes villes en bouteille.[8] Pour rĂ©duire Ă lâimpuissance cet adversaire au moins aussi vicieux que toi, mĂȘme si Kimball Kinnison et plusieurs Fulgurs[9] se sont dĂ©jĂ engagĂ©s Ă nos cĂŽtĂ©s, tu nous es indispensable. Tu as l'esprit assez mal tournĂ© pour lire Ă livre ouvert dans son jeu.
â Plus on est de fous, plus on rit, ironisa Blackie. Alors, serez-vous des nĂŽtres, Chevalier de la Terre, avec votre bestiole enragĂ©e ? Qui sait, ses mĂąchoires pourraient nous ĂȘtre utilesâŠ
Coqdor sourit et dĂ©clina lâinvitation pour le moins saugrenue. Les adieux furent courtois, mais brefs.
Seaton franchit le Seuil.
Puis Marc C. DuQuesne y entra.[10]
Jean-Michel Archaimbault, Hourtin, 16 au 19 septembre 2023
NOTES :
â La Voie LactĂ©e ! Câest bien elle ! Les MaĂźtres Insulaires[1] mâont donc renvoyĂ© chez moi⊠?
Les tyrans dâAndromĂšde avaient-ils usĂ© de lâarme Akka[2], du disrupteur[3] capable de briser lâespace-temps, ou d'autre chose ? La question resterait sans rĂ©ponse. Impossible, aussi, dâĂ©valuer la durĂ©e de ce retour.
Mais un esprit aussi fort, dĂ©terminĂ©, combatif et retors que le sien ne cĂ©dait ni Ă la surprise, ni Ă lâinquiĂ©tude, ni au dĂ©couragement. Le pragmatisme, la soif dâaction et lâopportunisme lâemportaient toujours. Puisquâil Ă©tait de retour, des perspectives tout Ă coup diffĂ©rentes sâoffraient Ă lui. Il nâavait plus quâĂ adapter ses plans.
Sous le cratĂšre Asgard de Callisto, le Centre dâInternement de Haute SĂ©curitĂ© Ă©tait la prison la plus sophistiquĂ©e et inviolable du MartervĂ©nux[4]. Par consĂ©quent, les dĂ©tenus enfermĂ©s dans ses cellules de force incarnaient la quintessence de la criminalitĂ©, toutes espĂšces intelligentes et toutes catĂ©gories de forfaits confondues.
Lâindividu immatriculĂ© INFER-XBO-125 pouvait passer pour un Terrien dâorigine europĂ©enne, mais comme dĂ©phasĂ© dâau moins deux cents ans en cette fin du XXIIe siĂšcle. Autant il datait par sa façon de sâexprimer, de se comporter et par certaines de ses attitudes, autant, au contraire, ses connaissances scientifiques, technologiques et astronautiques laissaient sur le carreau les plus Ă©minentes sommitĂ©s des Trois-PlanĂštes qui lâavaient interrogĂ© depuis sa capture rocambolesque.
VĂ©ritablement surgi de nulle part, le mystĂ©rieux personnage Ă©tait ignorĂ© de toutes les banques de donnĂ©es du MartervĂ©nux et de la ConfĂ©dĂ©ration. En quelques mois, avec son vaisseau invulnĂ©rable et insaisissable, il avait tracĂ© Ă travers la Voie LactĂ©e un sillage de hauts faits et dâexactions retentissants. Pour une fois, tous les mĂ©dias Ă©taient dâavis unanime : « lâOiseau Noir » entrerait dans lâHistoire galactique comme le plus fieffĂ© pirate de tous les temps.
Interpol-Interplan avait usĂ© ses moyens, son Ă©nergie, sa motivation et son souffle dans cette vaine course-poursuite, sans parler de tous les agents perdus ou rendus fous. Car, pour comble, lâinconnu disposait aussi de notables facultĂ©s parapsychiques.
Au nom de l'organisation policiĂšre dont le rĂ©seau s'Ă©tendait Ă toute la ConfĂ©dĂ©ration, le haut commissaire Robin Muscat avait alors dĂ©cidĂ© de faire appel Ă l'officier spĂ©cial Bruno Coqdor, le Chevalier de la Terre, pour intercepter l'Oiseau Noir. Et ce hĂ©ros de l'espace aux cĂ©lĂšbres exploits avait accompli la mission, au terme dâune des aventures les plus frĂ©nĂ©tiques, hallucinantes et pĂ©rilleuses de sa carriĂšre dĂ©jĂ longue. GrĂące Ă lui et Ă son fidĂšle RĂąx, le bouledogue-chauve-souris de la planĂšte DzĂŽ, une inconcevable catastrophe avait sĂ»rement Ă©tĂ© Ă©vitĂ©e in extremis.
â Nous ne saurons jamais comment ce diable dâOiseau Noir a eu vent de lâexistence du chronon captif et du lieu secret oĂč il est gardĂ© en hypersĂ©curitĂ©, ni ce qui lâa poussĂ© Ă vouloir sâen emparer ! Jâose Ă peine imaginer ce quâun forban de son acabit en aurait faitâŠ
Les invectives scandalisĂ©es du docteur Stewe, dĂ©tenteur de la terrible Particule ZĂ©ro, peu aprĂšs lâeffraction commise dans son centre de recherches et le vol du dĂ©cuple coffret pyrien abritant le grain de nĂ©ant annihilateur de temps, nâavaient apportĂ© aucune lumiĂšre sur ce volet de lâaffaire. Au final, le chronon avait Ă©tĂ© retrouvĂ© et rĂ©cupĂ©rĂ©. Le monde Ă©tait sauvĂ©.
Au cours de ses quelques semaines au C.I.H.S. de Callisto, lâOiseau Noir avait consenti Ă relater une partie des Ă©vĂ©nements. Certes, il dĂ©signait les objets et phĂ©nomĂšnes astrophysiques en des termes qui lui Ă©taient propres, mais que les experts du MartervĂ©nux avaient aisĂ©ment corrĂ©lĂ©s aux leurs.
Son vaisseau avait donc surgi face Ă lâamas pĂ©rigalactique M79-PG, aux antipodes lactĂ©ennes du SystĂšme Solaire, sur les « ailes » du Grand Rayon Livide, lâinexplicable faisceau interdimensionnel dĂ©matĂ©rialisateur-rematĂ©rialisateur. La nef sphĂ©rique Ă©tait sortie de lâaprĂšs-monde, ce vide obscur et impĂ©nĂ©trable Ă la lisiĂšre du continuum standard et dâautres univers extĂ©rieurs, sous-jacents, parallĂšles ou supĂ©rieurs. Ceux dâAndromĂšde sây entendaient, pour expulser les indĂ©sirables avides de conquĂȘte ! Mais ceux de quelle AndromĂšde⊠?
Souvent, dans le visage austĂšre et sombre encadrĂ© par une chevelure et une barbe dâun noir de jais, les yeux au regard dur sâĂ©taient voilĂ©s de regrets Ă©ternels et dâune insondable amertume.
Je ne leur rĂ©vĂ©lerai pas pourquoi il me fallait cette particule ! Changer le passĂ©, ressusciter celle que jâaimais, redevenir moi-mĂȘme et Ă©liminer les autres⊠Ce rĂȘve avortĂ© nâappartient quâĂ moi !
La notice rouge tombĂ©e sur les terminaux cryptĂ©s dâInterpol-Interplan portait les noms et signatures dâentitĂ©s et de personnalitĂ©s inconnues. Et pour cause⊠Il en arrivait bien peu de semblables, via le canal inter-univers du Petit Rayon Livide technologiquement domestiquĂ© par les gĂ©nies du MartervĂ©nux. Dans le meilleur des cas, si lâon interceptait ici le criminel recherchĂ© ailleurs, la porte transdimensionnelle activable dans un bunker spĂ©cial du C.I.H.S. permettait de le renvoyer chez lui, dĂšs le contact Ă©tabli.
Un contingent de gardes surarmés escortait le Chevalier Bruno Coqdor, Rùx et INFER-XBO-125 à travers le complexe pénitentiaire.
DĂšs lâentrĂ©e dans lâhypogĂ©e abritant lâogive du Seuil transdim, les moires diaprĂ©es du rideau inter-mondes apparurent dans leurs hypnotisantes ondulations.
Silencieux, les servants des unitĂ©s rĂ©gulatrices de la Porte fixaient lâhomme en tenue spatiale baroque qui venait de surgir du passage.
LâOiseau Noir se figea.
â Richard Seaton[5] ! Câest donc toi qui as donnĂ© lâalerte Ă ces gensâŠ
â Nul autre que moi ne lâaurait pu, Blackie. Je nâai jamais cessĂ© de te suivre, oĂč que tu sois dans lâespace, le temps⊠et les plans dâexistence. Toutes mes condolĂ©ances, dâailleurs, pour la mort injuste de StĂ©phanie⊠Tu tâĂ©tais certes rachetĂ©, avant votre dĂ©part, mais de lĂ Ă te faire une confiance aveugle et Ă©ternelle⊠La preuve !
Marc C. DuQuesne[6] venait de perdre une partie de plus. Et, avec cette ultime défaite, il devait laisser toute espérance.
â Nous aurions pu fermer les yeux, ne pas vouloir te rĂ©cupĂ©rer, et tu aurais continuĂ© Ă tâamuser Ă ta guise, aux dĂ©pens des gens de ce continuum. Mais nous avons besoin de toi, chez nous. Alors, puisquâils tâavaient capturĂ©âŠ
Ă ces mots, DuQuesne blĂȘmit et fusilla du regard le bouledogue-chauve-souris de Coqdor.
â Je mâen serais tirĂ© et jâaurais gagnĂ©, sâil nây avait pas eu ce monstre pour sâen mĂȘler ![7] explosa lâOiseau Noir.
Caressant la tĂȘte de RĂąx, le Chevalier de la Terre Ă©clata de rire.
â Se faire mordre les parties intimes par un pstĂŽr nâest effectivement pas trĂšs glorieux, prĂ©cisa-t-il. Et nous ne mentionnerons pas la douleurâŠ
Pour quelques instants, Richard Seaton perdit son sérieux. Puis il apostropha DuQuesne.
â Tu parles dâun monstre, Blackie ! Tu te mesureras bientĂŽt Ă un vrai, dâune toute autre envergure. Une horreur verte qui menace notre Terre et nos planĂštesâŠ
â Les Fenachrones sont de retour ? Ou les Chlorans ?
â Non, par Norlamin ! Câest Ă la fois moins grave et pire. « Quelque chose » a dĂ©cidĂ© de mettre nos plus importantes villes en bouteille.[8] Pour rĂ©duire Ă lâimpuissance cet adversaire au moins aussi vicieux que toi, mĂȘme si Kimball Kinnison et plusieurs Fulgurs[9] se sont dĂ©jĂ engagĂ©s Ă nos cĂŽtĂ©s, tu nous es indispensable. Tu as l'esprit assez mal tournĂ© pour lire Ă livre ouvert dans son jeu.
â Plus on est de fous, plus on rit, ironisa Blackie. Alors, serez-vous des nĂŽtres, Chevalier de la Terre, avec votre bestiole enragĂ©e ? Qui sait, ses mĂąchoires pourraient nous ĂȘtre utilesâŠ
Coqdor sourit et dĂ©clina lâinvitation pour le moins saugrenue. Les adieux furent courtois, mais brefs.
Seaton franchit le Seuil.
Puis Marc C. DuQuesne y entra.[10]
Jean-Michel Archaimbault, Hourtin, 16 au 19 septembre 2023
NOTES :
[1] Cycle 5 de la saga Perry Rhodan, parution originale 1965-1967, auteur principal Karl-Herbert Scheer.
[2] Jack Williamson, La LĂ©gion de lâEspace.
[3] Edmond Hamilton, Les Rois des Ătoiles.
[4] Univers créé par Maurice Limat, prolongĂ© par Jean-Marc Lofficier et Jean-Michel Archaimbault, avec les personnages rĂ©currents Bruno Coqdor et Robin Muscat, dans une sĂ©rie de romans comme Particule ZĂ©ro, Ici finit le Monde et Le Retour dâHypnĂŽs dont certains Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques ont ici Ă©tĂ© repris.
[5] Lâun des hĂ©ros principaux de la saga des Skylark dâEdward Elmer « Doc » Smith.
[6] Marc C. DuQuesne, surnommé Blackie, est le méchant en titre de la saga des Skylark.
[7] « Would have gotten away with it too, if there werenât for you meddling monster ! » (inspirĂ© de la rĂ©plique culte des mĂ©chants dans Scooby Doo).
[8] Référence à Brainiac, un méchant bien connu des fans de Superman.
[9] Personnages centraux de la Lensman Saga (en français, saga des Fulgurs) également créée par Edward Elmer « Doc » Smith.
[10] « And in Marc C. DuQuesne went. » calqué sur la derniÚre phrase du prologue de Gray Lensman dans le texte original de « Doc » Smith, édition hardcover puis paperback : « And in the Gray Lensman went. »
Ma premiĂšre version manuscrite
Le Choc des mondes | Version manuscrite 1/3 @ Jean-Michel Archaimbault
Le Choc des mondes | Version manuscrite 2/3 @ Jean-Michel Archaimbault
Le Choc des mondes | Version manuscrite 3/3 @ Jean-Michel Archaimbault


