The Last Tales of the Shadowmen, recueil dans lequel figure la version US de mon texte @ 2023 Black Coat Press
Introduction
Samedi 16 septembre 2023.
Entre 17 et 18h, je suis en pleine détente au bord de mon lac préféré, en ce genre d'endroit où prévaut la sensation d'être hors du monde, hors du temps, au seuil du fantastique et de l'extraordinaire, comme prêt à recevoir un message divin. À chacun ses dieux, disait Papy Simak, du Fleuve pour Farmer, de Pegana pour Lord Dunsany, du Grand Loin pour Coney. Ici, celui qui m'appelle, c'est celui de la Rivière Blanche, Jean-Marc Lofficier.
Sa volonté est de me voir figurer au sommaire de sa 20e et dernière anthologie U.S. de la série Tales of the Shadowmen (Les Compagnons de l'Ombre) paraissant aux États-Unis chez Black Coat Press (la maison mère de Rivière Blanche).
Il me soumet donc en une minute l'idée de trame pour un texte ultra court de 4 à 5 feuillets maximum. Le point de départ, deux ou trois détails intermédiaires, les personnages à mettre en scène, la chute. Je devrai lui envoyer ma copie au plus tard mercredi prochain en français, et il traduira directement la nouvelle en américain.
Je n'ai rien pour noter. Je mémorise au mieux chacun des points d'ancrage. Tout le reste, ce sera à moi de le trouver.
C'est une inévitable évidence, j'accepte. Et, illico, ça commence à infuser.
La version 00 est finie le dimanche matin vers 9h. Labyrinthique, avec des ratures à la pelle et des renvois dans tous les sens. À la limite de l'indéchiffrable.
La version 01, plus propre et lisible, est bouclée le lundi matin vers 10h.
Les deux ont été rédigées en un total d'environ 5 heures. Au stylo bille sur papier A4, comme d'hab' pour ce genre d'exercice.
D'ici le mercredi matin, le texte sera passé en Word et expédié au Maître.
Conséquence énorme de ce challenge réussi : je me sens à nouveau capable d'écrire vite, a priori pas trop mal, et la mécanique d'association-agglomération d'idées refonctionne comme avant. Je me serai amusé comme un fou.
De plus, ce crossover entre plusieurs univers de la science-fiction populaire que je maîtrise bien (certains beaucoup plus célèbres aux États-Unis que chez nous) « déboîte gavé », en langage moderne.
Précision importante : j'ai eu carte blanche pour compléter l'esquisse initiale avec tout ce qui pouvait me sembler pertinent, à condition de citer en notes finales toutes les références appelées. Autant dire que je ne me suis pas privé de me faire plaisir !
L'anthologie américaine est sortie en novembre 2023. Mon texte en V.F. paraîtra dans un prochain tome des Compagnons de l'Ombre, au-delà des 30 déjà publiés par Rivière Blanche, à une date non fixée à ce jour.
Le voici en avant-première. À vous, maintenant, de vous accrocher aux branes multidimensionnelles !
Jean-Michel Archaimbault
Entre 17 et 18h, je suis en pleine détente au bord de mon lac préféré, en ce genre d'endroit où prévaut la sensation d'être hors du monde, hors du temps, au seuil du fantastique et de l'extraordinaire, comme prêt à recevoir un message divin. À chacun ses dieux, disait Papy Simak, du Fleuve pour Farmer, de Pegana pour Lord Dunsany, du Grand Loin pour Coney. Ici, celui qui m'appelle, c'est celui de la Rivière Blanche, Jean-Marc Lofficier.
Sa volonté est de me voir figurer au sommaire de sa 20e et dernière anthologie U.S. de la série Tales of the Shadowmen (Les Compagnons de l'Ombre) paraissant aux États-Unis chez Black Coat Press (la maison mère de Rivière Blanche).
Il me soumet donc en une minute l'idée de trame pour un texte ultra court de 4 à 5 feuillets maximum. Le point de départ, deux ou trois détails intermédiaires, les personnages à mettre en scène, la chute. Je devrai lui envoyer ma copie au plus tard mercredi prochain en français, et il traduira directement la nouvelle en américain.
Je n'ai rien pour noter. Je mémorise au mieux chacun des points d'ancrage. Tout le reste, ce sera à moi de le trouver.
C'est une inévitable évidence, j'accepte. Et, illico, ça commence à infuser.
La version 00 est finie le dimanche matin vers 9h. Labyrinthique, avec des ratures à la pelle et des renvois dans tous les sens. À la limite de l'indéchiffrable.
La version 01, plus propre et lisible, est bouclée le lundi matin vers 10h.
Les deux ont été rédigées en un total d'environ 5 heures. Au stylo bille sur papier A4, comme d'hab' pour ce genre d'exercice.
D'ici le mercredi matin, le texte sera passé en Word et expédié au Maître.
Conséquence énorme de ce challenge réussi : je me sens à nouveau capable d'écrire vite, a priori pas trop mal, et la mécanique d'association-agglomération d'idées refonctionne comme avant. Je me serai amusé comme un fou.
De plus, ce crossover entre plusieurs univers de la science-fiction populaire que je maîtrise bien (certains beaucoup plus célèbres aux États-Unis que chez nous) « déboîte gavé », en langage moderne.
Précision importante : j'ai eu carte blanche pour compléter l'esquisse initiale avec tout ce qui pouvait me sembler pertinent, à condition de citer en notes finales toutes les références appelées. Autant dire que je ne me suis pas privé de me faire plaisir !
L'anthologie américaine est sortie en novembre 2023. Mon texte en V.F. paraîtra dans un prochain tome des Compagnons de l'Ombre, au-delà des 30 déjà publiés par Rivière Blanche, à une date non fixée à ce jour.
Le voici en avant-première. À vous, maintenant, de vous accrocher aux branes multidimensionnelles !
Jean-Michel Archaimbault
LE CHOC DES MONDES
Jean-Michel Archaimbault
Sur une idée de Jean-Marc Lofficier
Jean-Michel Archaimbault
Sur une idée de Jean-Marc Lofficier
Le lieu de l'appel à texte | Lac d'Hourtin, photo @ Jean-Michel Archaimbault
La nef sphérique avait émergé de la noirceur absolue dans l’explosion blafarde d’une lumière d’abîme. Son unique passager n’en crut ni les écrans de visualisation, ni ses yeux lorsqu’il reconnut l’immense galaxie en arrière-plan de l’amas stellaire vers lequel filait son vaisseau.
— La Voie Lactée ! C’est bien elle ! Les Maîtres Insulaires[1] m’ont donc renvoyé chez moi… ?
Les tyrans d’Andromède avaient-ils usé de l’arme Akka[2], du disrupteur[3] capable de briser l’espace-temps, ou d'autre chose ? La question resterait sans réponse. Impossible, aussi, d’évaluer la durée de ce retour.
Mais un esprit aussi fort, déterminé, combatif et retors que le sien ne cédait ni à la surprise, ni à l’inquiétude, ni au découragement. Le pragmatisme, la soif d’action et l’opportunisme l’emportaient toujours. Puisqu’il était de retour, des perspectives tout à coup différentes s’offraient à lui. Il n’avait plus qu’à adapter ses plans.
Sous le cratère Asgard de Callisto, le Centre d’Internement de Haute Sécurité était la prison la plus sophistiquée et inviolable du Martervénux[4]. Par conséquent, les détenus enfermés dans ses cellules de force incarnaient la quintessence de la criminalité, toutes espèces intelligentes et toutes catégories de forfaits confondues.
L’individu immatriculé INFER-XBO-125 pouvait passer pour un Terrien d’origine européenne, mais comme déphasé d’au moins deux cents ans en cette fin du XXIIe siècle. Autant il datait par sa façon de s’exprimer, de se comporter et par certaines de ses attitudes, autant, au contraire, ses connaissances scientifiques, technologiques et astronautiques laissaient sur le carreau les plus éminentes sommités des Trois-Planètes qui l’avaient interrogé depuis sa capture rocambolesque.
Véritablement surgi de nulle part, le mystérieux personnage était ignoré de toutes les banques de données du Martervénux et de la Confédération. En quelques mois, avec son vaisseau invulnérable et insaisissable, il avait tracé à travers la Voie Lactée un sillage de hauts faits et d’exactions retentissants. Pour une fois, tous les médias étaient d’avis unanime : « l’Oiseau Noir » entrerait dans l’Histoire galactique comme le plus fieffé pirate de tous les temps.
Interpol-Interplan avait usé ses moyens, son énergie, sa motivation et son souffle dans cette vaine course-poursuite, sans parler de tous les agents perdus ou rendus fous. Car, pour comble, l’inconnu disposait aussi de notables facultés parapsychiques.
Au nom de l'organisation policière dont le réseau s'étendait à toute la Confédération, le haut commissaire Robin Muscat avait alors décidé de faire appel à l'officier spécial Bruno Coqdor, le Chevalier de la Terre, pour intercepter l'Oiseau Noir. Et ce héros de l'espace aux célèbres exploits avait accompli la mission, au terme d’une des aventures les plus frénétiques, hallucinantes et périlleuses de sa carrière déjà longue. Grâce à lui et à son fidèle Râx, le bouledogue-chauve-souris de la planète Dzô, une inconcevable catastrophe avait sûrement été évitée in extremis.
— Nous ne saurons jamais comment ce diable d’Oiseau Noir a eu vent de l’existence du chronon captif et du lieu secret où il est gardé en hypersécurité, ni ce qui l’a poussé à vouloir s’en emparer ! J’ose à peine imaginer ce qu’un forban de son acabit en aurait fait…
Les invectives scandalisées du docteur Stewe, détenteur de la terrible Particule Zéro, peu après l’effraction commise dans son centre de recherches et le vol du décuple coffret pyrien abritant le grain de néant annihilateur de temps, n’avaient apporté aucune lumière sur ce volet de l’affaire. Au final, le chronon avait été retrouvé et récupéré. Le monde était sauvé.
Au cours de ses quelques semaines au C.I.H.S. de Callisto, l’Oiseau Noir avait consenti à relater une partie des événements. Certes, il désignait les objets et phénomènes astrophysiques en des termes qui lui étaient propres, mais que les experts du Martervénux avaient aisément corrélés aux leurs.
Son vaisseau avait donc surgi face à l’amas périgalactique M79-PG, aux antipodes lactéennes du Système Solaire, sur les « ailes » du Grand Rayon Livide, l’inexplicable faisceau interdimensionnel dématérialisateur-rematérialisateur. La nef sphérique était sortie de l’après-monde, ce vide obscur et impénétrable à la lisière du continuum standard et d’autres univers extérieurs, sous-jacents, parallèles ou supérieurs. Ceux d’Andromède s’y entendaient, pour expulser les indésirables avides de conquête ! Mais ceux de quelle Andromède… ?
Souvent, dans le visage austère et sombre encadré par une chevelure et une barbe d’un noir de jais, les yeux au regard dur s’étaient voilés de regrets éternels et d’une insondable amertume.
Je ne leur révélerai pas pourquoi il me fallait cette particule ! Changer le passé, ressusciter celle que j’aimais, redevenir moi-même et éliminer les autres… Ce rêve avorté n’appartient qu’à moi !
La notice rouge tombée sur les terminaux cryptés d’Interpol-Interplan portait les noms et signatures d’entités et de personnalités inconnues. Et pour cause… Il en arrivait bien peu de semblables, via le canal inter-univers du Petit Rayon Livide technologiquement domestiqué par les génies du Martervénux. Dans le meilleur des cas, si l’on interceptait ici le criminel recherché ailleurs, la porte transdimensionnelle activable dans un bunker spécial du C.I.H.S. permettait de le renvoyer chez lui, dès le contact établi.
Un contingent de gardes surarmés escortait le Chevalier Bruno Coqdor, Râx et INFER-XBO-125 à travers le complexe pénitentiaire.
Dès l’entrée dans l’hypogée abritant l’ogive du Seuil transdim, les moires diaprées du rideau inter-mondes apparurent dans leurs hypnotisantes ondulations.
Silencieux, les servants des unités régulatrices de la Porte fixaient l’homme en tenue spatiale baroque qui venait de surgir du passage.
L’Oiseau Noir se figea.
— Richard Seaton[5] ! C’est donc toi qui as donné l’alerte à ces gens…
— Nul autre que moi ne l’aurait pu, Blackie. Je n’ai jamais cessé de te suivre, où que tu sois dans l’espace, le temps… et les plans d’existence. Toutes mes condoléances, d’ailleurs, pour la mort injuste de Stéphanie… Tu t’étais certes racheté, avant votre départ, mais de là à te faire une confiance aveugle et éternelle… La preuve !
Marc C. DuQuesne[6] venait de perdre une partie de plus. Et, avec cette ultime défaite, il devait laisser toute espérance.
— Nous aurions pu fermer les yeux, ne pas vouloir te récupérer, et tu aurais continué à t’amuser à ta guise, aux dépens des gens de ce continuum. Mais nous avons besoin de toi, chez nous. Alors, puisqu’ils t’avaient capturé…
À ces mots, DuQuesne blêmit et fusilla du regard le bouledogue-chauve-souris de Coqdor.
— Je m’en serais tiré et j’aurais gagné, s’il n’y avait pas eu ce monstre pour s’en mêler ![7] explosa l’Oiseau Noir.
Caressant la tête de Râx, le Chevalier de la Terre éclata de rire.
— Se faire mordre les parties intimes par un pstôr n’est effectivement pas très glorieux, précisa-t-il. Et nous ne mentionnerons pas la douleur…
Pour quelques instants, Richard Seaton perdit son sérieux. Puis il apostropha DuQuesne.
— Tu parles d’un monstre, Blackie ! Tu te mesureras bientôt à un vrai, d’une toute autre envergure. Une horreur verte qui menace notre Terre et nos planètes…
— Les Fenachrones sont de retour ? Ou les Chlorans ?
— Non, par Norlamin ! C’est à la fois moins grave et pire. « Quelque chose » a décidé de mettre nos plus importantes villes en bouteille.[8] Pour réduire à l’impuissance cet adversaire au moins aussi vicieux que toi, même si Kimball Kinnison et plusieurs Fulgurs[9] se sont déjà engagés à nos côtés, tu nous es indispensable. Tu as l'esprit assez mal tourné pour lire à livre ouvert dans son jeu.
— Plus on est de fous, plus on rit, ironisa Blackie. Alors, serez-vous des nôtres, Chevalier de la Terre, avec votre bestiole enragée ? Qui sait, ses mâchoires pourraient nous être utiles…
Coqdor sourit et déclina l’invitation pour le moins saugrenue. Les adieux furent courtois, mais brefs.
Seaton franchit le Seuil.
Puis Marc C. DuQuesne y entra.[10]
Jean-Michel Archaimbault, Hourtin, 16 au 19 septembre 2023
NOTES :
— La Voie Lactée ! C’est bien elle ! Les Maîtres Insulaires[1] m’ont donc renvoyé chez moi… ?
Les tyrans d’Andromède avaient-ils usé de l’arme Akka[2], du disrupteur[3] capable de briser l’espace-temps, ou d'autre chose ? La question resterait sans réponse. Impossible, aussi, d’évaluer la durée de ce retour.
Mais un esprit aussi fort, déterminé, combatif et retors que le sien ne cédait ni à la surprise, ni à l’inquiétude, ni au découragement. Le pragmatisme, la soif d’action et l’opportunisme l’emportaient toujours. Puisqu’il était de retour, des perspectives tout à coup différentes s’offraient à lui. Il n’avait plus qu’à adapter ses plans.
Sous le cratère Asgard de Callisto, le Centre d’Internement de Haute Sécurité était la prison la plus sophistiquée et inviolable du Martervénux[4]. Par conséquent, les détenus enfermés dans ses cellules de force incarnaient la quintessence de la criminalité, toutes espèces intelligentes et toutes catégories de forfaits confondues.
L’individu immatriculé INFER-XBO-125 pouvait passer pour un Terrien d’origine européenne, mais comme déphasé d’au moins deux cents ans en cette fin du XXIIe siècle. Autant il datait par sa façon de s’exprimer, de se comporter et par certaines de ses attitudes, autant, au contraire, ses connaissances scientifiques, technologiques et astronautiques laissaient sur le carreau les plus éminentes sommités des Trois-Planètes qui l’avaient interrogé depuis sa capture rocambolesque.
Véritablement surgi de nulle part, le mystérieux personnage était ignoré de toutes les banques de données du Martervénux et de la Confédération. En quelques mois, avec son vaisseau invulnérable et insaisissable, il avait tracé à travers la Voie Lactée un sillage de hauts faits et d’exactions retentissants. Pour une fois, tous les médias étaient d’avis unanime : « l’Oiseau Noir » entrerait dans l’Histoire galactique comme le plus fieffé pirate de tous les temps.
Interpol-Interplan avait usé ses moyens, son énergie, sa motivation et son souffle dans cette vaine course-poursuite, sans parler de tous les agents perdus ou rendus fous. Car, pour comble, l’inconnu disposait aussi de notables facultés parapsychiques.
Au nom de l'organisation policière dont le réseau s'étendait à toute la Confédération, le haut commissaire Robin Muscat avait alors décidé de faire appel à l'officier spécial Bruno Coqdor, le Chevalier de la Terre, pour intercepter l'Oiseau Noir. Et ce héros de l'espace aux célèbres exploits avait accompli la mission, au terme d’une des aventures les plus frénétiques, hallucinantes et périlleuses de sa carrière déjà longue. Grâce à lui et à son fidèle Râx, le bouledogue-chauve-souris de la planète Dzô, une inconcevable catastrophe avait sûrement été évitée in extremis.
— Nous ne saurons jamais comment ce diable d’Oiseau Noir a eu vent de l’existence du chronon captif et du lieu secret où il est gardé en hypersécurité, ni ce qui l’a poussé à vouloir s’en emparer ! J’ose à peine imaginer ce qu’un forban de son acabit en aurait fait…
Les invectives scandalisées du docteur Stewe, détenteur de la terrible Particule Zéro, peu après l’effraction commise dans son centre de recherches et le vol du décuple coffret pyrien abritant le grain de néant annihilateur de temps, n’avaient apporté aucune lumière sur ce volet de l’affaire. Au final, le chronon avait été retrouvé et récupéré. Le monde était sauvé.
Au cours de ses quelques semaines au C.I.H.S. de Callisto, l’Oiseau Noir avait consenti à relater une partie des événements. Certes, il désignait les objets et phénomènes astrophysiques en des termes qui lui étaient propres, mais que les experts du Martervénux avaient aisément corrélés aux leurs.
Son vaisseau avait donc surgi face à l’amas périgalactique M79-PG, aux antipodes lactéennes du Système Solaire, sur les « ailes » du Grand Rayon Livide, l’inexplicable faisceau interdimensionnel dématérialisateur-rematérialisateur. La nef sphérique était sortie de l’après-monde, ce vide obscur et impénétrable à la lisière du continuum standard et d’autres univers extérieurs, sous-jacents, parallèles ou supérieurs. Ceux d’Andromède s’y entendaient, pour expulser les indésirables avides de conquête ! Mais ceux de quelle Andromède… ?
Souvent, dans le visage austère et sombre encadré par une chevelure et une barbe d’un noir de jais, les yeux au regard dur s’étaient voilés de regrets éternels et d’une insondable amertume.
Je ne leur révélerai pas pourquoi il me fallait cette particule ! Changer le passé, ressusciter celle que j’aimais, redevenir moi-même et éliminer les autres… Ce rêve avorté n’appartient qu’à moi !
La notice rouge tombée sur les terminaux cryptés d’Interpol-Interplan portait les noms et signatures d’entités et de personnalités inconnues. Et pour cause… Il en arrivait bien peu de semblables, via le canal inter-univers du Petit Rayon Livide technologiquement domestiqué par les génies du Martervénux. Dans le meilleur des cas, si l’on interceptait ici le criminel recherché ailleurs, la porte transdimensionnelle activable dans un bunker spécial du C.I.H.S. permettait de le renvoyer chez lui, dès le contact établi.
Un contingent de gardes surarmés escortait le Chevalier Bruno Coqdor, Râx et INFER-XBO-125 à travers le complexe pénitentiaire.
Dès l’entrée dans l’hypogée abritant l’ogive du Seuil transdim, les moires diaprées du rideau inter-mondes apparurent dans leurs hypnotisantes ondulations.
Silencieux, les servants des unités régulatrices de la Porte fixaient l’homme en tenue spatiale baroque qui venait de surgir du passage.
L’Oiseau Noir se figea.
— Richard Seaton[5] ! C’est donc toi qui as donné l’alerte à ces gens…
— Nul autre que moi ne l’aurait pu, Blackie. Je n’ai jamais cessé de te suivre, où que tu sois dans l’espace, le temps… et les plans d’existence. Toutes mes condoléances, d’ailleurs, pour la mort injuste de Stéphanie… Tu t’étais certes racheté, avant votre départ, mais de là à te faire une confiance aveugle et éternelle… La preuve !
Marc C. DuQuesne[6] venait de perdre une partie de plus. Et, avec cette ultime défaite, il devait laisser toute espérance.
— Nous aurions pu fermer les yeux, ne pas vouloir te récupérer, et tu aurais continué à t’amuser à ta guise, aux dépens des gens de ce continuum. Mais nous avons besoin de toi, chez nous. Alors, puisqu’ils t’avaient capturé…
À ces mots, DuQuesne blêmit et fusilla du regard le bouledogue-chauve-souris de Coqdor.
— Je m’en serais tiré et j’aurais gagné, s’il n’y avait pas eu ce monstre pour s’en mêler ![7] explosa l’Oiseau Noir.
Caressant la tête de Râx, le Chevalier de la Terre éclata de rire.
— Se faire mordre les parties intimes par un pstôr n’est effectivement pas très glorieux, précisa-t-il. Et nous ne mentionnerons pas la douleur…
Pour quelques instants, Richard Seaton perdit son sérieux. Puis il apostropha DuQuesne.
— Tu parles d’un monstre, Blackie ! Tu te mesureras bientôt à un vrai, d’une toute autre envergure. Une horreur verte qui menace notre Terre et nos planètes…
— Les Fenachrones sont de retour ? Ou les Chlorans ?
— Non, par Norlamin ! C’est à la fois moins grave et pire. « Quelque chose » a décidé de mettre nos plus importantes villes en bouteille.[8] Pour réduire à l’impuissance cet adversaire au moins aussi vicieux que toi, même si Kimball Kinnison et plusieurs Fulgurs[9] se sont déjà engagés à nos côtés, tu nous es indispensable. Tu as l'esprit assez mal tourné pour lire à livre ouvert dans son jeu.
— Plus on est de fous, plus on rit, ironisa Blackie. Alors, serez-vous des nôtres, Chevalier de la Terre, avec votre bestiole enragée ? Qui sait, ses mâchoires pourraient nous être utiles…
Coqdor sourit et déclina l’invitation pour le moins saugrenue. Les adieux furent courtois, mais brefs.
Seaton franchit le Seuil.
Puis Marc C. DuQuesne y entra.[10]
Jean-Michel Archaimbault, Hourtin, 16 au 19 septembre 2023
NOTES :
[1] Cycle 5 de la saga Perry Rhodan, parution originale 1965-1967, auteur principal Karl-Herbert Scheer.
[2] Jack Williamson, La Légion de l’Espace.
[3] Edmond Hamilton, Les Rois des Étoiles.
[4] Univers créé par Maurice Limat, prolongé par Jean-Marc Lofficier et Jean-Michel Archaimbault, avec les personnages récurrents Bruno Coqdor et Robin Muscat, dans une série de romans comme Particule Zéro, Ici finit le Monde et Le Retour d’Hypnôs dont certains éléments spécifiques ont ici été repris.
[5] L’un des héros principaux de la saga des Skylark d’Edward Elmer « Doc » Smith.
[6] Marc C. DuQuesne, surnommé Blackie, est le méchant en titre de la saga des Skylark.
[7] « Would have gotten away with it too, if there weren’t for you meddling monster ! » (inspiré de la réplique culte des méchants dans Scooby Doo).
[8] Référence à Brainiac, un méchant bien connu des fans de Superman.
[9] Personnages centraux de la Lensman Saga (en français, saga des Fulgurs) également créée par Edward Elmer « Doc » Smith.
[10] « And in Marc C. DuQuesne went. » calqué sur la dernière phrase du prologue de Gray Lensman dans le texte original de « Doc » Smith, édition hardcover puis paperback : « And in the Gray Lensman went. »
Ma première version manuscrite
Le Choc des mondes | Version manuscrite 1/3 @ Jean-Michel Archaimbault
Le Choc des mondes | Version manuscrite 2/3 @ Jean-Michel Archaimbault
Le Choc des mondes | Version manuscrite 3/3 @ Jean-Michel Archaimbault