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Demain les Chiens | City | Clifford D. Simak | 1952

Par | 04/03/2021 | Lu 1496 fois


Recueil de nouvelles parues dans Astounding Stories avant et pendant la Seconde Guerre mondiale...



Demain les Chiens, réédition @ 1970 éditions J'ai Lu | Illustration de couverture @ Françoise Boudignon | Photo @ Michel Maillot, édition privée
Demain les Chiens, réédition @ 1970 éditions J'ai Lu | Illustration de couverture @ Françoise Boudignon | Photo @ Michel Maillot, édition privée

Illustration et quatrième de couverture

Qu'est-ce que l'homme ? Qu'est qu'une cité ? Qu'est-ce que la guerre ?

Voilà les questions que les chiens se posent, le soir à la veillée, après avoir écouté des contes fascinants mettant en scène ces mots magiques mais devenus incompréhensibles. 

L'homme fut-il réellement le compagnon du chien avant que celui-ci accède à l'intelligence ? Disparut-il un jour pour une autre planète en lui abandonnant la Terre ? 

« Non, répondent les chiens savants, l'homme ne fut qu'un mythe créé par des conteurs habiles pour expliquer le mystère de notre origine. »

Demain les chiens, réédition @ 1972 J'ai Lu | Illustration de couverture @ Tibor Csernus | Photo @ Michel Maillot, édition privée
Demain les chiens, réédition @ 1972 J'ai Lu | Illustration de couverture @ Tibor Csernus | Photo @ Michel Maillot, édition privée

Fiche de lecture

Ouvrage classique par excellence, Demain les Chiens est la réunion de nouvelles parues dans Astounding Stories avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ce cycle brosse en tableaux indépendants mais complémentaires l’histoire de l’humanité, depuis la révolution post-industrielle qui l’affranchit de la problématique des transports jusqu’à son extinction. Cette œuvre, le tout premier grand titre américain traduit en français dès 1950, expose les idées qui feront la réputation de Simak : un amour passionné de la Terre que l’homme, responsable, doit respecter et partager avec les autres créatures vivantes; une mélancolie qui reflète l’irréversibilité du temps, une philosophie humaniste et inspirée qui confère une note chaleureuse à des histoires qui, sans cela, seraient parfois très sombres. 

Demain les Chiens est un livre qui raconte l’épopée d’une famille qui, de génération en génération, va faire l’Histoire. Tous les thèmes de prédilection de Simak sont au rendez-vous : les robots, les mutants, les univers parallèles. Mais on retiendra surtout un point essentiel : le passage de témoin entre l’homme et le chien sur la route de l’évolution. À travers cette fable, c’est toute la mécanique des défauts humains – mais aussi de ses vertus – qui est démontée. Simak est allé très loin dans le traitement de son sujet, portant par paliers successifs sa vision du bonheur jusqu’à des sommets. Lorsque l’on considère les pauvres hypothèses développées par nos actuels philosophes de salon, dont je tairai les noms par miséricorde, et les perspectives vertigineuses ouvertes par Demain les Chiens, on ne peut que s'attrister devant tant de bêtises débordant, de nos jours, de publications insipides. Il y a chez Simak un enseignement précieux, celui d’une sagesse qui finit par s’exprimer dans une seule phrase, clef de voûte de l’ouvrage : « Mieux vaut perdre un monde que de revenir au meurtre… ».

Fable, utopie, conte pour enfants ? Oui, ce livre procède de tout cela, porté par une idée grandiose, celle d’une communauté, canine en l’occurrence, qui a banni le meurtre sur Terre. Dans cette société, écraser une puce par exemple, c’est tuer. Et l’on ne doit pas tuer ! Simak a imaginé des solutions élégantes pour évacuer les problèmes créés par la disparition du mécanisme de régulation auquel concourent meurtre et prédation, en mettant en place une suite de mondes parallèles susceptibles d’accueillir les excédents de population qui résultent de cette politique. Celui de la nourriture aussi est au premier rang, quand tant de rêves de fauves ont encore la couleur du sang. J’ai parlé de conte, et je crois qu’il est vain de se demander si les solutions exposées par Simak sont vraisemblables ou non, car malheureusement le crime est présent depuis toujours sur Terre. Alors rêvons un peu avec cette idée généreuse, que si peu de religions proposent.

C’est l’ambition du thème abordé, son étrangeté, la fibre profonde qu’il remue en nous qui ont valu à cet ouvrage de demeurer parfois incompris. Je me souviens d’une émission de radio consacrée jadis à la SF et qui avait, pour évoquer justement Demain les Chiens, finement invité un vétérinaire qui, manifestement, était ignare en matière de SF. Loin de débattre de l’idée maîtresse du livre, il s’appesantissait sur l’impossibilité pour les chiens d’accéder à un niveau élevé de civilisation du fait de leur propension à faire leurs besoins n’importe où ! Bel exemple d’humanité supérieure en vérité !

Alors épargnons désormais tous ces pauvres moustiques, laissons la vie sauve aux araignées, manifestons de l'amour à l'encontre de tout ce qui respire et bouge. Rêvons de paix et d'harmonie.

Merci Monsieur Simak pour ce livre, un des plus beaux du XXe siècle.

On en parle ailleurs


Didier Reboussin
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💬Commentaires

1.Posté par Jean Christophe GAPDY le 04/03/2021 11:38 | Alerter
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JCGapdy
Merci de cette chouette chronique qui me remet en mémoire ce livre.
Lu sans doute trop tôt pour en saisir toute la portée et tout l'intérêt [j'avais 14 et j'avais calé dès "La Cité"]. Repris trois ans plus tard.. et là boum ! J'en avais trouvé un goût mélangeant aussi la fable philosophique...
J'ai encore ce petit bout en tête (je suis allé néanmoins le recopier pour ne pas faire d'erreur évidemment) :
"Et John Culver me dit de vous rappeler, déclara Webster, que c’est aujourd'hui le cent vingt-cinquième anniversaire du dernier meurtre commis dans le Système Solaire. Cent vingt-cinq ans sans une seule mort violente par préméditation."

2.Posté par Paul DEMOULIN le 04/03/2021 13:12 | Alerter
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southeast
Quel magnifique rendu ! Au travers de cette chronique, je retrouve les émotions ressenties lors de ma toute première lecture, combien de fois l'ai-je relu ce livre, dix, douze fois, plus sans doute. Je vais vraisemblablement le tirer de ma bibliothèque pour me plonger une fois de plus dedans. Et rêver.

3.Posté par JacK BARRON READS le 21/04/2024 20:16 | Alerter
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JacKBarronReads
Excellente chronique !

4.Posté par Michel MAILLOT le 27/04/2024 18:35 | Alerter
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mmaillot
Pourquoi « Demain les Chiens », ou « City », est-il un chef-d’œuvre ? Est-ce parce qu’après plus de 50 ans, un demi-siècle, on le relit comme je viens de le faire, même avec une traduction différente et que la magie opère avec autant de force ? Mais après tout, un demi-siècle, ça n’est rien pour un webster ! Mais le temps recèle de nombreuses traîtrises. Le conte sur l’agoraphobie, j’aurais juré que c’était une nouvelle d’Asimov, lue à la même époque dans un recueil. Mais peut-être est-ce moi qui ai basculé sans le savoir dans un de ces univers parallèles, en léger décalage avec celui-là, comme dans le bouquin de Simak. Un Simak qui vous prend par la main pour emprunter les chemins à vitesse humaine. On peut franchir des siècles, des millénaires, c’est constamment à un rythme tranquille. La poésie, la paix, malgré les remous, les tumultes de l’Histoire, des histoires, sont toujours présentes et vous enveloppent. Des chemins de terre et de pierres, traversant des champs où poussent paisiblement les blés qui se dorent au soleil. Qui sait, avec un chien gambadant à vos côtés, qui vous lance de curieux regards pour voir si vous suivez. On le contemple autrement ce chien, une fois refermé ce livre sublime. Chaque conte est une petite merveille d’écriture et d’invention. Certains, suivant le lecteur, brillent plus que d’autres. J’ai particulièrement adoré « Désertion », dont Silverberg dit, à la fin du J’ai Lu nouvelle mouture dans sa préface de 1996, qu’il serait d’une noirceur absolue. Marrant, je ne l’ai pas du tout pris ainsi. Cette transmutation sur Jupiter, qui non seulement rapproche l’homme du chien, me semble plutôt lui faire franchir, tout en lui retirant son enveloppe, un pas vers plus d’humanité. Mais dans ces textes, toujours cette impression de langueur et de sérénité. Des histoires parfois poignantes, dont les personnages de toutes natures, révèlent la profonde générosité de l’auteur. Malgré cette parfaite conscience de l’imperfection de l’homme et sa tendance à pencher du mauvais côté de ses contradictions. Plus je connais les Hommes, plus j’aime les Chiens, pourrait-on dire pour paraphraser Mark Twain. Ce qui sonne plutôt bien avec le livre. Mais l’humanité n’est pas inexistante, au contraire, bien qu’elle soit reprise par les Chiens ou les Robots, dont Jenkins, le plus célèbre et attachant d’entre eux. Ils semblent tous désireux de mettre en œuvre ce qui aurait dû être le but de l’homme s’il n’avait abandonné ce monde et s’était inscrit aux ...

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