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📚 1894 : Un autre monde, encore | Mathilde Contreras | 2023

10/12/2025
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1894 : Un autre monde, encore © 2023 Mathilde Contreras
1894 : Un autre monde, encore © 2023 Mathilde Contreras

QuatriĂšme de couverture

11 septembre 1894, un mardi.

Alors que rien ne le laissait prĂ©sager, le ciel, dans le monde entier, se couvre de vaisseaux extraterrestres. Ces nouveaux venus vont prendre en main l’HumanitĂ© et la guider sur la voie du progrĂšs technologique et moral. Ils font une promesse : en suivant leurs judicieux Conseils, la Race Humaine pourra, un jour, entrer de plein droit dans leur Alliance Galactique, et prendre possession de planĂštes inhabitĂ©es prĂ©parĂ©es pour elle.

Un siĂšcle plus tard, l’HumanitĂ©, respectant sa part du contrat, vit sous des DĂŽmes gigantesques, les Conurbations. Toute la Terre est gouvernĂ©e avec bienveillance par les visiteurs galactiques.

Toute ? Non, car Ă  l’écart des Conurbations, des parias, regroupĂ©s dans d’anciens villages abandonnĂ©s, rĂ©sistent encore et toujours Ă  ceux qu’ils considĂšrent comme des envahisseurs. Et, mĂȘme Ă  l’abri des immenses DĂŽmes, certains commencent Ă  douter des vĂ©ritables intentions des visiteurs, de leur identitĂ©, voire
 de leur existence.

Dans cet univers parallĂšle, oĂč ne pas croire Ă  l’existence des extraterrestres fait de vous un hurluberlu asocial et infrĂ©quentable, certains vont pourtant tout risquer pour se mettre en quĂȘte de la vĂ©ritĂ©.

Fiche de lecture

Les anti-utopies (ou dystopies) Ă©tant un de mes dadas, je suis trĂšs heureux d’avoir mis la main sur un exemplaire du livre de Mathilde Contreras 1894, sous-titrĂ© Un autre monde, encore. Apparemment, ce premier roman de l’auteure est Ă  la fois une uchronie et une dystopie.

L’uchronie commence en 1894 (!) quand des vaisseaux spatiaux extra-terrestres apparaissent dans le ciel des principales villes terrestres. TrĂšs sages et trĂšs puissantes, ces crĂ©atures venues d’ailleurs imposent Ă  coup de rayons tranquillisants une rĂ©organisation complĂšte des sociĂ©tĂ©s humaines : il ne doit plus y avoir de guerres ni de famines et tout le monde doit ĂȘtre heureux.

Le récit commence un siÚcle plus tard.

Le plan des extra-terrestres semble avoir fonctionnĂ©. Environ 98 % de la population vit dans des Conurbations, des citĂ©s gĂ©antes ressemblant Ă  des fourmiliĂšres et protĂ©gĂ©es par un dĂŽme. Ces habitants sont gavĂ©s de loisirs (tablettes, rĂ©seaux et cartes Ă  collectionner notamment) et leurs moindres faits et gestes sont enregistrĂ©s par leur montre connectĂ©e. L’exercice physique est dĂ©conseillĂ© et on explique Ă  ces malheureux qu’il est dangereux de marcher plus d’un kilomĂštre par jour, tout comme il est dangereux de mĂącher sa nourriture (« ce n’est pas naturel ! Â») et d’allaiter son enfant.

En Ă©change de quelques heures de travail par semaine, ces habitants des citĂ©s sont tous suralimentĂ©s en glucides qu’ils absorbent sous forme de bouillies et de sodas. S’y ajoute une grande consommation de tranquillisants et d’alcool. Tous obĂšses, ces citadins sont vieux et usĂ©s Ă  cinquante ans. Mais, pas de panique, Ă  ce moment-lĂ , on les euthanasie sans douleur.

Si l’administration le leur permet, ils peuvent quand mĂȘme avoir un ou deux enfants, mĂȘme si c’est dĂ©conseillĂ©. Si ce dĂ©sir se manifeste et s’ils remplissent les conditions, on leur fournira un compagnon ou une compagne adĂ©quat(e).

Sur le plan de l’organisation, la population est rĂ©partie en plusieurs castes et il semble difficile, mais pas impossible, de passer de l’une Ă  l’autre. Les avantages et les responsabilitĂ©s varient en fonction de la caste Ă  laquelle on appartient. Au-dessus, les Administrateurs dirigent tout ce petit monde.

Mais tous les humains ne vivent pas dans une Conurbation. Il existe en effet des camps de parias, en fait d’anciens villages, oĂč se sont regroupĂ©s ceux qui refusent le systĂšme. Il peut s’agir des descendants des rares qui ont refusĂ© jadis les conseils des extra-terrestres ou d’individus qui ont quittĂ© volontairement une Conurbation. Car, curieusement, il n’est pas interdit de quitter l’une de ces villes gĂ©antes. Il suffit en effet de sortir et de marcher jusqu’au village le plus proche, mais bien peu en ont seulement l’idĂ©e.

La vie dans un de ces villages est trĂšs diffĂ©rente. Peu de technologie (pas de tablettes en libre accĂšs ni de vĂ©hicules), peu d’électricitĂ©, peu de monde, une centaine d’habitants seulement dans le village oĂč se passe une bonne partie de l’histoire. Une existence bucolique et campagnarde, en apparence trĂšs libre, remplit la vie des habitants. On Ă©pouse qui on veut et on a autant d’enfants qu’on le dĂ©sire. Comme dans les citĂ©s, l’alcool est aussi trĂšs prĂ©sent, mais ici, sous forme de vin, car certains villageois sont vignerons. La religion est aussi Ă©voquĂ©e, car si dans les Conurbations, on rend grĂące aux Grands FrĂšres (les ET), ici, on rencontre une communautĂ© de protestants rĂ©formĂ©s.

TrĂšs loin au-dessus des humains, les extra-terrestres rĂšgnent sans se montrer. On sait qu’ils ressemblent Ă  des loups gĂ©ants et on les appelle CĂ©tiens. Ne respirant pas la mĂȘme atmosphĂšre que les humains, seuls leurs vaisseaux apparaissent de temps en temps, en fait tous les 11 septembre (!), jour anniversaire de la prise de contact. Officiellement, ces loups des Ă©toiles prĂ©parent l’humanitĂ© Ă  entrer dans la grande fraternitĂ© galactique des races intelligentes. Cela devrait se faire dans environ une gĂ©nĂ©ration, du moins si les humains continuent Ă  obĂ©ir au Plan, avec notamment la contrainte d’ĂȘtre de moins en moins nombreux. C’est le prix Ă  payer pour espĂ©rer pouvoir un jour voyager dans l’espace


Voici donc les bases de cet univers. Globalement, des motifs qu’on peut juger classiques dans le petit monde des dystopies sciencefictives.

Ne partez pas, les Ă©lĂ©ments originaux arrivent !

Tout d’abord, l’opposition entre la Conurbation et le village n’est pas aussi absolue qu’on pourrait croire. Comme dit plus haut, les villages sont alimentĂ©s par un flot faible, mais rĂ©gulier de nouveaux venus. Une des motivations importantes de ces transferts de population est le dĂ©sir de parents ayant mis au monde un enfant handicapĂ© (un Biologique DĂ©fectueux, comme disent les autoritĂ©s) de soustraire leur bĂ©bĂ© Ă  l’euthanasie obligatoire


Mais le systĂšme est plus pervers que ça puisqu’on apprend dĂšs le dĂ©but du livre qu’en rĂ©alitĂ©, ces bĂ©bĂ©s ne sont pas euthanasiĂ©s, mais qu’ils sont envoyĂ©s dans des centres oĂč on leur greffera une IA qui leur permettra de surmonter leur handicap et de devenir Administrateurs des Conurbations ou crĂ©ateurs et artistes. Ces individus sont des PersonnalitĂ©s, du moins, c’est ainsi qu’ils se nomment entre eux. Est-ce Ă  dire que les autres habitants des citĂ©s (les pingouins comme les surnomment avec mĂ©pris les villageois) n’ont pas de personnalitĂ© ?

Un autre contact entre les deux mondes est assuré par la cheffe du village qui rend compte aux Administrateurs du quotidien de la vie à la campagne.

La vie des parias est aussi trĂšs singuliĂšre. Peu de machines, des maisons chauffĂ©es par des feux de cheminĂ©es, mais surtout, pas d’animaux : pas un chien, pas un chat, pas un cheval, ni une seule vache ! Les villageois sont vĂ©gĂ©tariens et les seuls animaux mentionnĂ©s sont un scarabĂ©e rencontrĂ© dans la forĂȘt, un ours (mais pas un ours en vrai, bien entendu) et une harde de sangliers qui en prend un peu trop Ă  son aise et qu’il va donc falloir
 stĂ©riliser ! L’arrivĂ©e des extra-terrestres a donc entraĂźnĂ© l’éradication totale des animaux domestiques et la destruction probable de nombreuses espĂšces sauvages. Ces nouveaux villageois mĂšnent une existence n’ayant pas grand-chose Ă  voir avec la vraie vie de nos ancĂȘtres paysans. Quand on y rĂ©flĂ©chit, cette absence de toute vie animale est sans doute l’un des aspects les plus terrifiants de ce nouveau printemps silencieux et transforme cette utopie bucolique en dystopie. Car, Ă  cĂŽtĂ© de ça, quid des dissidents ? Il rĂšgne dans ce village un unanimisme trĂšs suspect qui serait Ă©touffant et dĂ©lĂ©tĂšre dans la vraie vie.

Je mentionnerai aussi un certain culte de la personnalité qui semble entourer la cheffe du village dont les avis sont accueillis quasiment comme des oracles.

À la fin du roman, l’auteur rĂ©sout le problĂšme/la situation d’une façon que le lecteur pourra juger autant ingĂ©nieuse que peu crĂ©dible, selon sa sensibilitĂ© propre.

Pour terminer, je voudrais insister sur un Ă©lĂ©ment trĂšs prĂ©sent dans le roman, car structurant dans la sociĂ©tĂ© dĂ©crite : le complexe d’Harry Potter. Il existe une tendance Ă  prĂ©senter les individus porteurs d’un trouble du dĂ©veloppement cognitif (TDAH, TSA, etc.) comme des petits Harry Potter, les neurotypiques (!) Ă©tant alors plutĂŽt identifiĂ©s aux Moldus. Dans 1894, ce sont les neuro-atypiques qui, grĂące aux IA et sous la houlette bienveillante des Grands FrĂšres, mĂšnent le monde. Le prix Ă  payer, trĂšs Ă©levĂ©, est supportĂ© par les Moldus


Bref ! Vous aurez compris que je recommande la lecture de ce remarquable premier roman, qui, Ă  sa façon, nous permet d’approcher une certaine inquiĂ©tante Ă©trangeté 

Une uchronie dystopique parue en auto-Ă©dition sur la plate-forme d’Amazon.

Sylvain Gay
Copyright © Sylvain Gay pour Le Galion des Etoiles. Tous droits réservés. En savoir plus sur cet auteur


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