Au fond, tout au fond de l’espace, dans les entrailles de ces sombres astéroïdes, véritables colosses de roches endormies, réside sa demeure. Nul ne s’aventure là où même le courant glacial qui traverse l’univers fait mine de faire des cabrioles, plus par peur que par désir de briller. Aucun être sensé ne se hasarde dans le recoin obscur où, de temps à autre, une paupière s’entrouvre pour laisser filer un rai de lumière verte phosphorescente. Gare à l’imprudent qui passerait alors. Le temps d’apercevoir l’œil cruel en son entier qu’il serait avalé d’un trait. Qu’importe la taille du vaisseau ou de la créature, reguirtz de Sirius, orquoile d’Aldébaran, cacharène de Pégase, jusqu’au pourtant colossal balooz d’Andromède. Il serait capturé, découpé, broyé dans son bec monumental puis digéré, avant que le monstre rassasié ne reprenne son sommeil. Parfois ondulant comme s’ils s’appartenaient en propre, les tentacules s’agitent pour s’amuser avec les fluctuations dans lesquelles ils dessinent des figures mystérieuses.
Alors, quand là-bas, sacrilège aux confins de la ceinture, s’anime la tempête stellaire qui bouscule les éléments jusqu’aux grands extérieurs, le titan taciturne, fâché de cet outrage, étire furieusement ses membres démesurés. Sa tête se projette vers l’avant et voilà qu’il écarte tout sur son passage de sa puissante nage dans un tourbillon indescriptible de poussières cosmiques. Il distingue au large la forme oblongue et sombre d’un navire intersidéral. De quoi passer sa colère. C’est pourtant déjà l’effroi qui règne. Des ouragans gigantesques éjectent comme un fétu de paille le fier vaisseau qui, hier encore, se moquait de l’espace. Ils semblent jouer avec lui en se le jetant l’un à l’autre, se riant des craquements sinistres qui traversent sa coque, de ses propulseurs qui se brisent telles de vulgaires brindilles. Les figures terrorisées des spationautes qui courent, tentent de s’accrocher comme ils peuvent, ici dans les coursives, là au carénage de plastométal qui se déchire. Leur monde s’effondre. Trop occupés à sauver ce qui reste de leur vie, ils ignorent les cris désespérés de ceux qui sont éjectés et disparaissent en un instant, happés par la bouche avide de l’univers en furie. Mais le pouvaient-ils quand la scène est submergée par le fracas lumineux de la bataille inhumaine que se mènent les éléments déchaînés ?
Dans un jaillissement prodigieux, l’effroi surgit en semant dans les regards effarés la vision cauchemardesque de son corps monstrueux. Méprisant superbement les énergies qui se libèrent autour de lui, comme s’ils accompagnaient sa chorégraphie macabre, il balance ces gigantesques tentacules à l’assaut du vaisseau saisi par l’épouvante. Ce qui subsistait des réacteurs puissamment enchâssés est balayé, écrasé sous la force phénoménale. Puis, dans une dernière danse hargneuse, c’est l’astronef tout entier qui est pris dans ses bras. Ils l’étouffent jusqu’à faire craquer et pulvériser son pauvre corps dans une étreinte fatale. Les infortunés spationautes encore dans l’habitacle et le pont sont projetés dans le vide et s’y débattent comme des pantins désarticulés. La visière des casques brisés révèle les grimaces horribles de visages gelés par le froid sidéral.
Puis, retentit on ne sait comment, capté par les intercoms toujours en activité, un cri terrifiant. Est-ce la bête qui, sortant sa tête hideuse, lance à la face de l’univers son chant victorieux ? Est-ce l’imagination de l’esprit dérangé à jamais par ces atroces visions des quelques malheureux qui tentent de s’échapper sur une frêle navette de secours ? Dans l’enfer où les éclairs qui jaillissent se disputent le vide intersidéral avec les explosions des moteurs, où l’écume de poussière cosmique est crachée avec mépris par les mouvements gigantesques animant l’infini, ils n’en sauront rien. Prisonniers de leur frayeur de voir leur embarcation chétive soufflée par une de ces terribles vagues ou encore que la bête se rendant compte de leur pitoyable existence ne vienne les broyer. Mais non, après l’agitation ultime et triomphante des tentacules fendant le néant comme ils peuvent le faire de tout élément solide, la créature de cauchemar disparaît. S’engloutissant dans la ceinture, avalée par elle, elle engendre par sa masse un dernier vortex qui entraîne avec elle dans les noirceurs insondables les restes du navire et de ses occupants brisés.
Repu, calmé par le combat ou plutôt la mise à mort de l’intrus, le Kraken peut regagner sa couche. Tel un dieu antique ayant passé son courroux sur les hommes épouvantés, il s’installe au fond de son temple de roches suspendues dans l’espace. Sa paupière peut retomber sur son œil redevenu atone. On pourrait presque entendre le soupir de soulagement du cosmos s’il n’était pas conscient de devoir garder l’immobilité absolue. Jamais ici, on ne se risque à réveiller la terrible colère de l’invincible propriétaire du royaume de l’infini. Celui devant lequel rien ne peut lutter, nul ne peut résister.
Chacun sait depuis toujours que jamais au grand jamais, on ne doit troubler le sommeil du Kraken.
Alors, quand là-bas, sacrilège aux confins de la ceinture, s’anime la tempête stellaire qui bouscule les éléments jusqu’aux grands extérieurs, le titan taciturne, fâché de cet outrage, étire furieusement ses membres démesurés. Sa tête se projette vers l’avant et voilà qu’il écarte tout sur son passage de sa puissante nage dans un tourbillon indescriptible de poussières cosmiques. Il distingue au large la forme oblongue et sombre d’un navire intersidéral. De quoi passer sa colère. C’est pourtant déjà l’effroi qui règne. Des ouragans gigantesques éjectent comme un fétu de paille le fier vaisseau qui, hier encore, se moquait de l’espace. Ils semblent jouer avec lui en se le jetant l’un à l’autre, se riant des craquements sinistres qui traversent sa coque, de ses propulseurs qui se brisent telles de vulgaires brindilles. Les figures terrorisées des spationautes qui courent, tentent de s’accrocher comme ils peuvent, ici dans les coursives, là au carénage de plastométal qui se déchire. Leur monde s’effondre. Trop occupés à sauver ce qui reste de leur vie, ils ignorent les cris désespérés de ceux qui sont éjectés et disparaissent en un instant, happés par la bouche avide de l’univers en furie. Mais le pouvaient-ils quand la scène est submergée par le fracas lumineux de la bataille inhumaine que se mènent les éléments déchaînés ?
Dans un jaillissement prodigieux, l’effroi surgit en semant dans les regards effarés la vision cauchemardesque de son corps monstrueux. Méprisant superbement les énergies qui se libèrent autour de lui, comme s’ils accompagnaient sa chorégraphie macabre, il balance ces gigantesques tentacules à l’assaut du vaisseau saisi par l’épouvante. Ce qui subsistait des réacteurs puissamment enchâssés est balayé, écrasé sous la force phénoménale. Puis, dans une dernière danse hargneuse, c’est l’astronef tout entier qui est pris dans ses bras. Ils l’étouffent jusqu’à faire craquer et pulvériser son pauvre corps dans une étreinte fatale. Les infortunés spationautes encore dans l’habitacle et le pont sont projetés dans le vide et s’y débattent comme des pantins désarticulés. La visière des casques brisés révèle les grimaces horribles de visages gelés par le froid sidéral.
Puis, retentit on ne sait comment, capté par les intercoms toujours en activité, un cri terrifiant. Est-ce la bête qui, sortant sa tête hideuse, lance à la face de l’univers son chant victorieux ? Est-ce l’imagination de l’esprit dérangé à jamais par ces atroces visions des quelques malheureux qui tentent de s’échapper sur une frêle navette de secours ? Dans l’enfer où les éclairs qui jaillissent se disputent le vide intersidéral avec les explosions des moteurs, où l’écume de poussière cosmique est crachée avec mépris par les mouvements gigantesques animant l’infini, ils n’en sauront rien. Prisonniers de leur frayeur de voir leur embarcation chétive soufflée par une de ces terribles vagues ou encore que la bête se rendant compte de leur pitoyable existence ne vienne les broyer. Mais non, après l’agitation ultime et triomphante des tentacules fendant le néant comme ils peuvent le faire de tout élément solide, la créature de cauchemar disparaît. S’engloutissant dans la ceinture, avalée par elle, elle engendre par sa masse un dernier vortex qui entraîne avec elle dans les noirceurs insondables les restes du navire et de ses occupants brisés.
Repu, calmé par le combat ou plutôt la mise à mort de l’intrus, le Kraken peut regagner sa couche. Tel un dieu antique ayant passé son courroux sur les hommes épouvantés, il s’installe au fond de son temple de roches suspendues dans l’espace. Sa paupière peut retomber sur son œil redevenu atone. On pourrait presque entendre le soupir de soulagement du cosmos s’il n’était pas conscient de devoir garder l’immobilité absolue. Jamais ici, on ne se risque à réveiller la terrible colère de l’invincible propriétaire du royaume de l’infini. Celui devant lequel rien ne peut lutter, nul ne peut résister.
Chacun sait depuis toujours que jamais au grand jamais, on ne doit troubler le sommeil du Kraken.



