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Avis aux rĂ©sidents de lâHĂ©liosphĂšre
Une réparation imprévue sur votre Astronef dernier hurlement ?
Un dysfonctionnement sur votre vaisseau cosmorganique ?
Une seule adresse pour le systĂšme solaire, la nĂŽtre.
Ne vous laissez pas embarquer par les arguments fallacieux dâune concurrence dĂ©passĂ©e. Fut-elle, le chantre des ultimes et soi-disant plus efficaces, parce que modernes, technologies Ă la mode et en vigueur. En vigueur ? Laissez-nous rire. Les rĂ©parations Ă la va comme je te pousse, de la main-dâĆuvre non qualifiĂ©e, exploitĂ©e et sous-payĂ©e, en provenance des colonies extra-solaires, ne pourront, hĂ©las, que vous retourner une charrette pantelante qui demandera rapidement grĂące.
Non, câest notre garage heuristique en orbite autour de Saturne, ce qui le met en proche banlieue de la Terre, qui vous offrira le meilleur, pour vous et votre bien-aimĂ© vĂ©hicule.
Les soins que nous apporterons Ă votre accueil et Ă votre sĂ©jour balaieront instantanĂ©ment ces rĂ©ticences que les trolls, tous sauf drĂŽles, essaient dâinfuser en ternissant notre rĂ©putation sur les rĂ©seaux spatiaux.
Nous vous attendons dâores et dĂ©jĂ dans notre repaire, une coupe de champagne Saturnien Ă la main, ou Ă tout ce qui se peut faire office dâappendice prĂ©hensile.
PremiÚre à gauche en sortant des anneaux extérieurs et en contournant Encelade, direction Titan. Les bornes tracto-spatiales vous conduiront en toute sécurité chez nous.
Pour le cĂ©lĂšbre garage Heuristique de lâĂ©minent Sitbal, TechnoChir hors pair du systĂšme solaire,
Moebius, votre serviteur
Un dysfonctionnement sur votre vaisseau cosmorganique ?
Une seule adresse pour le systĂšme solaire, la nĂŽtre.
Ne vous laissez pas embarquer par les arguments fallacieux dâune concurrence dĂ©passĂ©e. Fut-elle, le chantre des ultimes et soi-disant plus efficaces, parce que modernes, technologies Ă la mode et en vigueur. En vigueur ? Laissez-nous rire. Les rĂ©parations Ă la va comme je te pousse, de la main-dâĆuvre non qualifiĂ©e, exploitĂ©e et sous-payĂ©e, en provenance des colonies extra-solaires, ne pourront, hĂ©las, que vous retourner une charrette pantelante qui demandera rapidement grĂące.
Non, câest notre garage heuristique en orbite autour de Saturne, ce qui le met en proche banlieue de la Terre, qui vous offrira le meilleur, pour vous et votre bien-aimĂ© vĂ©hicule.
Les soins que nous apporterons Ă votre accueil et Ă votre sĂ©jour balaieront instantanĂ©ment ces rĂ©ticences que les trolls, tous sauf drĂŽles, essaient dâinfuser en ternissant notre rĂ©putation sur les rĂ©seaux spatiaux.
Nous vous attendons dâores et dĂ©jĂ dans notre repaire, une coupe de champagne Saturnien Ă la main, ou Ă tout ce qui se peut faire office dâappendice prĂ©hensile.
PremiÚre à gauche en sortant des anneaux extérieurs et en contournant Encelade, direction Titan. Les bornes tracto-spatiales vous conduiront en toute sécurité chez nous.
Pour le cĂ©lĂšbre garage Heuristique de lâĂ©minent Sitbal, TechnoChir hors pair du systĂšme solaire,
Moebius, votre serviteur
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Plein gaz ! ou Le garage Heuristique | Michel Maillot | 2024
Un fatras de piĂšces mĂ©talliques, dâĂ©crous, de tubes et autres morceaux difficilement identifiables qui traĂźnaient partout. Soit par terre, soit recouvrant de longs Ă©tablis qui Ă©talaient leurs mornes usures causĂ©es par dâinterminables heures, mĂ©langes de sueur et dâimprĂ©cations. Ăgalement, dâinsupportables machines de tailles diverses, heureusement pas trop grandes et trop grosses pour Ă©viter collisions et blessures humaines ou synthĂ©tiques. Des appareils qui rampaient sur le sol ou qui volaient en tous sens dans le vaste espace en maugrĂ©ant, poussant des jurons, comme si elles Ă©taient des ĂȘtres animĂ©s de conscience et dâĂąme. Et peut-ĂȘtre lâĂ©taient-elles, qui peut savoir, si comme elles on dĂ©ambulait, on sâaffairait avec une mine paraissant renfrognĂ©e pour satisfaire quelque besoin inassouvi dans un but qui dĂ©passait lâentendement et la pensĂ©e humaine. Encore aussi, Ă©parpillĂ©s sans agencement particulier, de multiples frigos verticaux ou horizontaux, dont les portes et couvercles, rĂ©sonnaient de coups dâimpatience frappĂ©s de lâintĂ©rieur pour manifester un dĂ©sir de servir. Au milieu de tout ce fracas se trouvait le maĂźtre des lieux. Enfin maĂźtre, il nâen donnait guĂšre lâimpression. Dans sa Technoclinique situĂ©e sur une lune de Saturne, le vieux Sitbal, TechnoChir pour les uns et pour les autres, garagiste un peu hermĂ©tique, nâaimait guĂšre la compagnie des hommes. Un rien misanthrope, il prĂ©fĂ©rait celle des robots, de ses joyeux comparses, plutĂŽt foutraques, mais qui lui rendaient bien son affection, non sans taquinerie par moment. Dâailleurs, ceux de tout Ă lâheure le savaient bien, ils sâĂ©cartaient de son chemin, autant par dĂ©votion envers le crĂ©ateur que par crainte de se prendre un coup de clĂ© de douze sur la cafetiĂšre. Et Dieu sait, si cĂŽtĂ© cafetiĂšre ils sây entendaient ces tas de ferraille. Mais au fond, le bougon les aimait toutes et tous, les connaissait par leurs noms. Parfois, il les cajolait, les caressait ou les engueulait, quand, de mauvaise humeur, il les trouvait sur son passage Ă moins quâils ne se cachent exprĂšs pour lâenrager. Tiens, dâailleurs.
â OĂč est-ce que jâai foutu ce damnĂ© tournefil ? gronda Sitbal en jetant des coups dâĆil Ă gauche et Ă droite. Jamais lĂ quand on a besoin de lui, celui-lĂ .
PenchĂ© sur les entrailles du pulseur impudiquement Ă©talĂ©es devant lui, il Ă©cartait les mains en signe dâimpuissance.
â Comment veux-tu opĂ©rer dans des conditions pareilles ? continua-t-il sur le mĂȘme ton irritĂ©.
Bourdonnant Ă cĂŽtĂ© de lui, son ami, lâassistant cyber, voletait en essayant tant bien que mal de le contourner pour distinguer oĂč pouvait en ĂȘtre le vieil homme.
ExcĂ©dĂ©, celui-ci balança une chiquenaude du revers de la main qui rĂ©sonna sur le flanc du robot et lâenvoya tituber dans les airs. Jouant de ses gyros, il reprit son assise dans lâespace pour se rapprocher prudemment.
â Moebius, plutĂŽt que de mâagacer les esgourdes, tu ferais bien de mâaider ! gronda le vieux, tu vois bien que lâanesthĂ©sie ne va pas tarder Ă cesser de faire effet.
â Si tu rangeais un peu mieux tes affaires aussi, lui rĂ©torqua lâautre, qui se dĂ©montait rarement en dehors de son entretien habituel.
â Ăa te va bien de critiquer ! retourna Sitbal, câest facile pour toi, tu as tout dans ton ventre, bien Ă lâabri. Moi jâessaie de poser les outils en ordre Ă lâendroit oĂč je dĂ©sire les retrouver. Pas ma faute Ă moi, sâils changent de place tout seuls Ă leur bon vouloir.
Faisant entendre un bourdonnement de ses ailes Ă moitiĂ© rĂ©probateur, Moebius sâĂ©loigna Ă tire dâailes colibresques quasi invisibles. On perçut des bruits de ferrailles et de chute mĂ©tallique avant de le voir revenir triomphalement, retenant dans une de ses pinces, sortie pour lâoccasion, le tournefil qui se dĂ©battait comme un beau diable.
â VoilĂ , suffisait de chercher au bon endroit, lança-t-il victorieusement.
â Câest sĂ»r quâau mauvais ne rapporte pas grand-chose, maugrĂ©a le vieil homme, reconnaissant rarement le mĂ©rite de lâautre.
Sans plus de remerciements, il se saisit de lâappareil qui se calma instantanĂ©ment, sentant que lâorage couvait. De ses doigts habiles, Sitbal enfonça lâoutil entre deux artĂšres pulsantes de lâhybride pour venir resserrer, ici, un boulon rĂ©calcitrant, lĂ , cautĂ©riser la jonction circulatoire.
â VoilĂ , jeta-t-il dâun air satisfait, plus pour lui-mĂȘme quâen direction de lâassistance, retenant son souffle afin dâĂ©viter les horions et quolibets dâusage. Un peu dâintracorol pour cicatriser et ça sera rĂ©glĂ©.
à peine refermé le capot chitineux, tout le monde se remit à cliqueter, tintinnabuler comme à son habitude, sans plus se soucier du voisin ou du vieil homme. Le TechnoChir poussa un soupir de découragement devant le tintamarre qui reprenait place.
Câest Ă cet instant que le carillon tonitruant de lâentrĂ©e du labo balaya lâatmosphĂšre en tourbillonnant comme une tornade acoustique.
â Nom dâun Caragole, sâĂ©cria Sitbal en se bouchant les oreilles, quelle est lâandouille qui a dĂ©rĂ©glĂ© le volume de la sonnerie ?
Ă nouveau, les habitants du garage-clinique se turent pour abandonner lâespace sonore Ă lâintrus et ne pas attirer lâattention sur eux, coupables ou non de la facĂ©tie.
â VoilĂ , voilĂ , on arrive, hurla Sitbal par rĂ©action et pour se faire entendre, Moebius, coupe-moi ce bazar et va voir de qui ou de quoi il retourne.
Suivant le cybervolant, il parvint quasi en mĂȘme temps que lui pour accueillir le visiteur.
La porte du sas laissa pĂ©nĂ©trer un individu dont lâaspect extĂ©rieur jurait parfaitement avec celui des occupants du garage. De haute taille, suffisante pour avoir bousculĂ© avec lâencadrement de lâouverture, lâespĂšce de tiare de tissu qui surplombait son visage. Manifestement dâhumeur peu amĂšne, il repositionna le couvre-chef Ă lâaide de deux de ses membres latĂ©raux supplĂ©mentaires. Les vĂȘtements chamarrĂ©s, plutĂŽt amples, semblaient animĂ©s de vie propre comme pour onduler gracieusement autour de la silhouette. Ă moins, qui sait, quâils ne se rĂ©vĂšlent eux-mĂȘmes lâĂ©manation vivante de lâindividu quâils paraissaient revĂȘtir. Mais peu importe, ce nâest pas ici, en ce lieu, quâon se permettait de juger et donner des leçons de mode ou de biensĂ©ance.
Sâessuyant les mains sur sa blouse dĂ©jĂ bien maculĂ©e, Sitbal un peu embarrassĂ© quand il sâagissait de protocole ou tout bonnement de relations extra, intra ou simplement humaines, fit signe au visiteur de sâavancer. Il baragouina son inconfort.
â Bonjour monsieur, entrez donc dans notre modeste demeure, excusez le dĂ©sordre, mais nous nâavons pas trop lâhabitude de recevoir etâŠ
Lâautre leva une ou deux tentacules surgissant de son dos pour interrompre le vieil homme.
â Pas de nĂ©cessitĂ© de jouer de diplomatie en ces lieux, lança lâindividu, un rien dĂ©daigneux en balayant les alentours de ce qui semblait un regard filtrant sous sa tiare en soie. Je me prĂ©sente, je suis SibĂ©rius, ambassadeur de sa trĂšs haute et inestimable grandeur lâAltesse SĂ©rĂ©nissime, empereur de toutes les galaxies, jâai nommĂ© lâimmense Babylas V.
Tandis que Moebius agaçait lâair de ses ailes, Sitbal se retint de rire Ă lâimage et au son que projetait le visiteur. Ses rĂ©pĂ©titifs effets costumiers accompagnaient la grandiloquence du discours de lâindividu. Il fallait se contrĂŽler. Un client est un client et celui-ci devait probablement reprĂ©senter la nĂ©cessitĂ© dâĂ©viter lâincident diplomatique ou bassement Ă©conomique.
â Oui monsieur, votre grĂące, seigneur SibĂ©rius, comme vous souhaitez quâon sâadresse Ă vous, avança le vieux TechnoChir, que pouvons-nous accomplir pour vous ?
Un geste dâagacement de ses multiples tentacules latĂ©raux vit reculer Moebius qui sentait poindre la bourrade.
â Appelez-moi Seigneur, ça fait lâaffaire pour les espĂšces infĂ©rieures. Je suis venu vers vous parce que, paraĂźt-il, vous seriez le meilleur rĂ©parateur dâengins sillonnant lâespace. Notre prĂ©sence ici rĂ©clame, exige de dĂ©livrer Ă notre guide suprĂȘme tous les droits quâil compte exercer sur votre galaxie, la Voie LactĂ©e. Comme je lâai dit, lâempereur est le maĂźtre incontestable de tout cet univers, dâoĂč lâultimatum posĂ© en personne aux peuples en prĂ©sence. Nul doute que lâaccueil se doit dâĂȘtre le plus favorable. Dans sa grande magnanimitĂ©, sa MajestĂ© laisse un peu de temps Ă vos reprĂ©sentations arriĂ©rĂ©es, pour prendre acte et prĂ©parer, avec votre rĂ©ponse, les multiples biens quâil est en droit dâattendre de ses vassaux. Dans le cas bien improbable oĂč le retour sâavĂ©rerait autreâŠ
Le plĂ©nipotentiaire sâarrĂȘta pour sortir, dont on ne sait oĂč, des tissus dont il se servit pour essuyer sans doute quelques narines apparaissant ou disparaissant lĂ oĂč devrait se situer un visage. Les jetant au sol sans plus de cĂ©rĂ©monie, il ignora les robots rampants qui vinrent se saisir des rebuts pour les faire partir en fumĂ©e dans les incinĂ©rateurs de leurs ventres mĂ©talliques.
â Donc, si la rĂ©ponse devait nous ĂȘtre rendue autrement quâattendue Ă notre retour, nous serions dans lâobligation de dĂ©truire toutes espĂšces demeurant sur les planĂštes gravitant autour des Ă©toiles de cette galaxie.
Sitbal ne put sâempĂȘcher de sursauter.
â Ah oui, quand mĂȘme. Mais je ne vois pas trĂšs bien lĂ oĂč mon rĂŽle peut se situer dans cette affaire.
â Vous nâavez ni le rang ni la possibilitĂ© dâintervenir sur ce sujet. Non, votre mission câest de pallier lâembarras qui est le mien, le nĂŽtre, suite Ă un dysfonctionnement regrettable de notre vaisseau intergalactique. Câest le seul de sa sorte pour des raisons de sĂ©curitĂ© Ă©vidente. Celui qui dispose de toute la puissance de feu nĂ©cessaire dont nous lâavons Ă©quipĂ©. Le seul pouvant voyager entre nos mondes si Ă©loignĂ©s qui appartiennent Ă notre chef absolu. Un navire et des armes lui assurant la totale maĂźtrise sur les peuples aveugles Ă sa lumineuse existence. HĂ©las, il ne fonctionne plus, ou en tout cas pas comme il devrait, pour franchir lâespace-temps qui nous sĂ©pare. Câest intolĂ©rable, car rien ne doit entraver la marche implacable et primordiale de notre guide suprĂȘme. En deux mots, notre vaisseau souffre dâune maladie et ne peut produire le nĂ©cessaire pour gagner la vitesse permettant dâatteindre, dâouvrir et de passer le portail menant Ă notre demeure.
Le regard de Sitbal sâillumina un bref instant.
â Ah, une nef cosmorganique je suppose, voyons voir, laissez-moi consulter mon livre pour dĂ©terminer quand je pourrais mâoccuper deâŠ
De multiples gestes dâagacement ou de fureur rentrĂ©e Ă©manant de lâambassadeur stoppĂšrent son discours.
â Pas question pour Son Altesse dâattendre, nous sommes prioritaires, je ne devrais pas avoir Ă le dire. Câest intolĂ©rable. Vous devez vous y consacrer sĂ©ance tenante et dans ce cas obtenir une rĂ©compense Ă la hauteur de notre gĂ©nĂ©rositĂ©. Ă lâinverse, nous nous verrions dans lâobligation de pulvĂ©riser votre sordide garage et chercher ailleurs, ce nâest pas ce qui doit manquerâŠ
Le vieux TechnoChir fronça les sourcils.
â Vous ne vous montrez guĂšre patient ou civil mon⊠Seigneur, ici, on ne fonctionne pas sous la menace et vous aurez beaucoup de mal Ă trouver mieux autre part. Je veux bien regarder ce quâil en retourne et vous donner le rĂ©sultat de mon expertiseâŠ
Ă nouveau, lâambassadeur le coupa de ses expressions multicolores changeantes en provenance de ses vĂȘtements, son corps ou les deux sans doute.
â VoilĂ qui est rĂ©glĂ©, prenez avec vous le nĂ©cessaire et accompagnez-nous immĂ©diatement, la navette nous attend Ă lâextĂ©rieur. Le Biltog se trouve en orbite basse.
Sitbal se saisit en grommelant de sa mallette dâurgence qui patientait Ă cĂŽtĂ© de lâentrĂ©e. Il fit signe Ă Moebius de le suivre pour lâassister dans son voyage. Celui-ci ne se fit pas prier, inquiet quâil Ă©tait de cette visite et de ses consĂ©quences. Il enclencha la vitesse supĂ©rieure de ses ailes vrombissantes qui Ă©mirent un hoquet avant de repartir de plus belle. Il passa le sas qui se refermait en penchant son corps sphĂ©rique vers la proue, pour Ă©viter de se retrouver coincĂ© et parvenir Ă rattraper les deux autres, partis sans attendre.
***
La porte du garage sâouvrit en chuintant. Les divers composants en vadrouille dans le passage se prĂ©cipitĂšrent pour regagner comme si de rien nâĂ©tait, qui, leur emplacement en hauteur, qui, leurs abris sous Ă©tagĂšres basses ou Ă©tablis pour se faire oublier du propriĂ©taire.
Sitbal, dâhumeur joyeuse, ce qui Ă©tait plutĂŽt rare, jeta sa sacoche sur la petite commode qui rentra les Ă©paules pour absorber le choc. Moebius agitait ses ailes brumeuses dâinquiĂ©tude en suivant avec difficultĂ©s les grandes enjambĂ©es du vieux TechnoChir. Il ne tarda pas Ă manifester son impatience.
â Mais enfin, quâest-ce qui tâa pris ? chouina-t-il en direction de son complice.
Un lĂ©ger sourire aux lĂšvres, Sitbal sâavança vers son vieux fauteuil fatiguĂ© pour se laisser tomber sur son assise dĂ©foncĂ©e. Les ressorts poussĂšrent un cri de gĂ©missement et de protestation rentrĂ©e avant de retourner Ă leur torpeur. Posant ses mains sur les accoudoirs, dont le cuir usĂ© se rappelait les griffes des multiples chats les ayant frĂ©quentĂ©s, il releva la tĂȘte vers son associĂ©.
â Mon vieux Moebius, que je tâexplique pourquoi ce jour est bĂ©ni.
Il renifla un coup et se saisit dâune de ces cigarettes faites main dont on prĂ©fĂ©rait ignorer la constitution intĂ©rieure. Lâayant allumĂ©e et tirĂ© une bouffĂ©e odorante, il reprit.
â Alors voilĂ , jâai bien observĂ© et discutĂ© avec le vaisseau cosmorganique, le Biltog. Son souci, hormis le fait dâĂȘtre lâesclave de ces dangereux hurluberlus, Ă©tait de nature organique. Tu ne vas pas le croire, mais la technique de dĂ©placement hyperspatial et interunivers est liĂ©e Ă lâutilisation de son anatomie bien particuliĂšre. La nourriture qui lui est fournie enclenche des rĂ©actions du systĂšme digestif qui du cĂŽtĂ© supĂ©rieur absorbe la quasi-totalitĂ© de ce qui est ingĂ©rĂ© et de lâautre infĂ©rieur provoque la fabrication de gaz hautement rĂ©pulsif. Câest lâĂ©vacuation, tu mâentends bien, lâĂ©vacuation arriĂšre qui propulse lâanimal dans les profondeurs du cosmos ! Incroyable, ça serait tordant, si ce nâest ce quâendure la malheureuse crĂ©ature. Bref, elle en a dĂ©veloppĂ© des irritations inflammatoires qui ont mis en panne tout son appareil digestif. Raison pour laquelle, Son Altesse et sa clique ne pouvaient pas rentrer chez eux ! Je me suis entretenu longuement avec la pauvrette et jâai donc dĂ©cidĂ© de la guĂ©rir, au vu de ses souffrances largement supĂ©rieures aux ennuis quâelle subissait par ailleurs.
Moebius tangua sa désapprobation aérienne vers Sitbal.
â Mais tu te rends compte que tu as rendu service et libĂ©rĂ© ces dangereux maniaques. Ils vont pouvoir mettre leurs menaces Ă exĂ©cution, rentrer chez eux, opprimer les leurs avant de revenir rĂ©gler notre sort. Et je ne parle pas de cette malheureuse crĂ©ature que tu as dĂ©barrassĂ©e de sa maladie pour la livrer Ă nouveau Ă ses chaĂźnesâŠ
Le vieux TechnoChir leva sa main fumeuse pour calmer le robot aérien.
â Attends, je nâai pas fini, dĂ©clama-t-il entre deux bouffĂ©es euphorisantes. Lors de nos brĂšves conversations tĂ©lĂ©pathiques, par lâintermĂ©diaire de mon casque neurotransmetteur, jâai pu Ă©changer avec notre pauvre amie. Elle mâa expliquĂ© oĂč se situaient les capsules des quartiers dâhabitation des passagers. Elles sont insĂ©rĂ©es dans les circonvolutions hautes de ses intestins, seul endroit possible qui se trouve de plus Ă lâabri de lâexpulsion gazeuse basse. Nous avons Ă©laborĂ© ensemble un plan dâaction pour les soins et la suite. CâĂ©tait pas Ă©vident pour elle, vu les consĂ©quences, mais elle a acceptĂ©, connaissant les Ă©ventualitĂ©s offertes. Je lui ai donc administrĂ© le traitement pour Ă©liminer toute infection et dĂ©sagrĂ©ment en cours, puis le pansement doublant sa membrane intestinale en vue du redĂ©marrage. Enfin, chose vendue Ă lâambassadeur qui se montrait tout sourire Ă lâidĂ©e de pouvoir repartir, jâai ajoutĂ©, sans frais supplĂ©mentaires, de la levure de Kourgountz pour amĂ©liorer et stimuler le systĂšme digestif de la crĂ©ature.
â De la levure de Kourgountz ?!!! sâĂ©cria Moebius, mais câest un puissantâŠ
Le robot ailĂ©, qui nâen pouvait plus de tournoyer son Ă©motion dans les airs, trouva plus prudent de se poser sur lâĂ©tabli jouxtant le fauteuil. Sitbal inhala une grande bouffĂ©e de sa cigarette, avant de jouer Ă projeter des ronds de fumĂ©e vers le plafond. Tout autour de lui, attentifs Ă lâhistoire, plus rien ni personne nâosait lever un petit doigt ou une extrĂ©mitĂ© quelconque. Mais comme le travail ne tarderait pas Ă reprendre, le silence, une fois nâest pas coutume, ne persisterait pas longtemps. Il serait Ă nouveau brisĂ© par le concert dâentrechocs des piĂšces dĂ©tachĂ©es se disputant la meilleure place dans le hangar du garage heuristique.
Sitbal finit par opiner du chef, jugeant que lâattente avait assez durĂ©.
â Oui, un puissant laxatif rĂ©pondit-il en consultant sa montre universo-temporelle. Ă ce moment mĂȘme, lancĂ© Ă toute vitesse aux confins du vide intersidĂ©ral, le Biltog va pĂ©ter des flammes, ĂȘtre pris dâune diarrhĂ©e monumentale qui va Ă©jecter aux quatre coins du nĂ©ant la totalitĂ© des capsules de passagers. Les spasmes dâĂ©vacuation vont expulser tout ce beau monde dans lâespace, dâoĂč ils pourront admirer, au milieu de nulle part et des dĂ©jections liquides Ă©parpillĂ©es, la splendeur du cosmos. Exit sa MajestĂ©, lâambassadeur et sa troupe qui vont pouvoir danser parmi les Ă©toiles. Adieu veaux, vaches, cochons, lait, couvĂ©e et rĂȘve de grandeur extragalactique. Le peuple lĂ -bas, retrouvera bientĂŽt sa libertĂ©, comme notre ami lâastronef qui va lentement se remettre avec ce que je lui ai prescrit pour reprendre sa destinĂ©e en main. Une fois pleinement rĂ©tablie de son nettoyage interne, elle pourra sâĂ©loigner du nouveau domaine de Babylas V, empereur incontestable et incontestĂ© du vide sidĂ©rant et sidĂ©ral.
â OĂč est-ce que jâai foutu ce damnĂ© tournefil ? gronda Sitbal en jetant des coups dâĆil Ă gauche et Ă droite. Jamais lĂ quand on a besoin de lui, celui-lĂ .
PenchĂ© sur les entrailles du pulseur impudiquement Ă©talĂ©es devant lui, il Ă©cartait les mains en signe dâimpuissance.
â Comment veux-tu opĂ©rer dans des conditions pareilles ? continua-t-il sur le mĂȘme ton irritĂ©.
Bourdonnant Ă cĂŽtĂ© de lui, son ami, lâassistant cyber, voletait en essayant tant bien que mal de le contourner pour distinguer oĂč pouvait en ĂȘtre le vieil homme.
ExcĂ©dĂ©, celui-ci balança une chiquenaude du revers de la main qui rĂ©sonna sur le flanc du robot et lâenvoya tituber dans les airs. Jouant de ses gyros, il reprit son assise dans lâespace pour se rapprocher prudemment.
â Moebius, plutĂŽt que de mâagacer les esgourdes, tu ferais bien de mâaider ! gronda le vieux, tu vois bien que lâanesthĂ©sie ne va pas tarder Ă cesser de faire effet.
â Si tu rangeais un peu mieux tes affaires aussi, lui rĂ©torqua lâautre, qui se dĂ©montait rarement en dehors de son entretien habituel.
â Ăa te va bien de critiquer ! retourna Sitbal, câest facile pour toi, tu as tout dans ton ventre, bien Ă lâabri. Moi jâessaie de poser les outils en ordre Ă lâendroit oĂč je dĂ©sire les retrouver. Pas ma faute Ă moi, sâils changent de place tout seuls Ă leur bon vouloir.
Faisant entendre un bourdonnement de ses ailes Ă moitiĂ© rĂ©probateur, Moebius sâĂ©loigna Ă tire dâailes colibresques quasi invisibles. On perçut des bruits de ferrailles et de chute mĂ©tallique avant de le voir revenir triomphalement, retenant dans une de ses pinces, sortie pour lâoccasion, le tournefil qui se dĂ©battait comme un beau diable.
â VoilĂ , suffisait de chercher au bon endroit, lança-t-il victorieusement.
â Câest sĂ»r quâau mauvais ne rapporte pas grand-chose, maugrĂ©a le vieil homme, reconnaissant rarement le mĂ©rite de lâautre.
Sans plus de remerciements, il se saisit de lâappareil qui se calma instantanĂ©ment, sentant que lâorage couvait. De ses doigts habiles, Sitbal enfonça lâoutil entre deux artĂšres pulsantes de lâhybride pour venir resserrer, ici, un boulon rĂ©calcitrant, lĂ , cautĂ©riser la jonction circulatoire.
â VoilĂ , jeta-t-il dâun air satisfait, plus pour lui-mĂȘme quâen direction de lâassistance, retenant son souffle afin dâĂ©viter les horions et quolibets dâusage. Un peu dâintracorol pour cicatriser et ça sera rĂ©glĂ©.
à peine refermé le capot chitineux, tout le monde se remit à cliqueter, tintinnabuler comme à son habitude, sans plus se soucier du voisin ou du vieil homme. Le TechnoChir poussa un soupir de découragement devant le tintamarre qui reprenait place.
Câest Ă cet instant que le carillon tonitruant de lâentrĂ©e du labo balaya lâatmosphĂšre en tourbillonnant comme une tornade acoustique.
â Nom dâun Caragole, sâĂ©cria Sitbal en se bouchant les oreilles, quelle est lâandouille qui a dĂ©rĂ©glĂ© le volume de la sonnerie ?
Ă nouveau, les habitants du garage-clinique se turent pour abandonner lâespace sonore Ă lâintrus et ne pas attirer lâattention sur eux, coupables ou non de la facĂ©tie.
â VoilĂ , voilĂ , on arrive, hurla Sitbal par rĂ©action et pour se faire entendre, Moebius, coupe-moi ce bazar et va voir de qui ou de quoi il retourne.
Suivant le cybervolant, il parvint quasi en mĂȘme temps que lui pour accueillir le visiteur.
La porte du sas laissa pĂ©nĂ©trer un individu dont lâaspect extĂ©rieur jurait parfaitement avec celui des occupants du garage. De haute taille, suffisante pour avoir bousculĂ© avec lâencadrement de lâouverture, lâespĂšce de tiare de tissu qui surplombait son visage. Manifestement dâhumeur peu amĂšne, il repositionna le couvre-chef Ă lâaide de deux de ses membres latĂ©raux supplĂ©mentaires. Les vĂȘtements chamarrĂ©s, plutĂŽt amples, semblaient animĂ©s de vie propre comme pour onduler gracieusement autour de la silhouette. Ă moins, qui sait, quâils ne se rĂ©vĂšlent eux-mĂȘmes lâĂ©manation vivante de lâindividu quâils paraissaient revĂȘtir. Mais peu importe, ce nâest pas ici, en ce lieu, quâon se permettait de juger et donner des leçons de mode ou de biensĂ©ance.
Sâessuyant les mains sur sa blouse dĂ©jĂ bien maculĂ©e, Sitbal un peu embarrassĂ© quand il sâagissait de protocole ou tout bonnement de relations extra, intra ou simplement humaines, fit signe au visiteur de sâavancer. Il baragouina son inconfort.
â Bonjour monsieur, entrez donc dans notre modeste demeure, excusez le dĂ©sordre, mais nous nâavons pas trop lâhabitude de recevoir etâŠ
Lâautre leva une ou deux tentacules surgissant de son dos pour interrompre le vieil homme.
â Pas de nĂ©cessitĂ© de jouer de diplomatie en ces lieux, lança lâindividu, un rien dĂ©daigneux en balayant les alentours de ce qui semblait un regard filtrant sous sa tiare en soie. Je me prĂ©sente, je suis SibĂ©rius, ambassadeur de sa trĂšs haute et inestimable grandeur lâAltesse SĂ©rĂ©nissime, empereur de toutes les galaxies, jâai nommĂ© lâimmense Babylas V.
Tandis que Moebius agaçait lâair de ses ailes, Sitbal se retint de rire Ă lâimage et au son que projetait le visiteur. Ses rĂ©pĂ©titifs effets costumiers accompagnaient la grandiloquence du discours de lâindividu. Il fallait se contrĂŽler. Un client est un client et celui-ci devait probablement reprĂ©senter la nĂ©cessitĂ© dâĂ©viter lâincident diplomatique ou bassement Ă©conomique.
â Oui monsieur, votre grĂące, seigneur SibĂ©rius, comme vous souhaitez quâon sâadresse Ă vous, avança le vieux TechnoChir, que pouvons-nous accomplir pour vous ?
Un geste dâagacement de ses multiples tentacules latĂ©raux vit reculer Moebius qui sentait poindre la bourrade.
â Appelez-moi Seigneur, ça fait lâaffaire pour les espĂšces infĂ©rieures. Je suis venu vers vous parce que, paraĂźt-il, vous seriez le meilleur rĂ©parateur dâengins sillonnant lâespace. Notre prĂ©sence ici rĂ©clame, exige de dĂ©livrer Ă notre guide suprĂȘme tous les droits quâil compte exercer sur votre galaxie, la Voie LactĂ©e. Comme je lâai dit, lâempereur est le maĂźtre incontestable de tout cet univers, dâoĂč lâultimatum posĂ© en personne aux peuples en prĂ©sence. Nul doute que lâaccueil se doit dâĂȘtre le plus favorable. Dans sa grande magnanimitĂ©, sa MajestĂ© laisse un peu de temps Ă vos reprĂ©sentations arriĂ©rĂ©es, pour prendre acte et prĂ©parer, avec votre rĂ©ponse, les multiples biens quâil est en droit dâattendre de ses vassaux. Dans le cas bien improbable oĂč le retour sâavĂ©rerait autreâŠ
Le plĂ©nipotentiaire sâarrĂȘta pour sortir, dont on ne sait oĂč, des tissus dont il se servit pour essuyer sans doute quelques narines apparaissant ou disparaissant lĂ oĂč devrait se situer un visage. Les jetant au sol sans plus de cĂ©rĂ©monie, il ignora les robots rampants qui vinrent se saisir des rebuts pour les faire partir en fumĂ©e dans les incinĂ©rateurs de leurs ventres mĂ©talliques.
â Donc, si la rĂ©ponse devait nous ĂȘtre rendue autrement quâattendue Ă notre retour, nous serions dans lâobligation de dĂ©truire toutes espĂšces demeurant sur les planĂštes gravitant autour des Ă©toiles de cette galaxie.
Sitbal ne put sâempĂȘcher de sursauter.
â Ah oui, quand mĂȘme. Mais je ne vois pas trĂšs bien lĂ oĂč mon rĂŽle peut se situer dans cette affaire.
â Vous nâavez ni le rang ni la possibilitĂ© dâintervenir sur ce sujet. Non, votre mission câest de pallier lâembarras qui est le mien, le nĂŽtre, suite Ă un dysfonctionnement regrettable de notre vaisseau intergalactique. Câest le seul de sa sorte pour des raisons de sĂ©curitĂ© Ă©vidente. Celui qui dispose de toute la puissance de feu nĂ©cessaire dont nous lâavons Ă©quipĂ©. Le seul pouvant voyager entre nos mondes si Ă©loignĂ©s qui appartiennent Ă notre chef absolu. Un navire et des armes lui assurant la totale maĂźtrise sur les peuples aveugles Ă sa lumineuse existence. HĂ©las, il ne fonctionne plus, ou en tout cas pas comme il devrait, pour franchir lâespace-temps qui nous sĂ©pare. Câest intolĂ©rable, car rien ne doit entraver la marche implacable et primordiale de notre guide suprĂȘme. En deux mots, notre vaisseau souffre dâune maladie et ne peut produire le nĂ©cessaire pour gagner la vitesse permettant dâatteindre, dâouvrir et de passer le portail menant Ă notre demeure.
Le regard de Sitbal sâillumina un bref instant.
â Ah, une nef cosmorganique je suppose, voyons voir, laissez-moi consulter mon livre pour dĂ©terminer quand je pourrais mâoccuper deâŠ
De multiples gestes dâagacement ou de fureur rentrĂ©e Ă©manant de lâambassadeur stoppĂšrent son discours.
â Pas question pour Son Altesse dâattendre, nous sommes prioritaires, je ne devrais pas avoir Ă le dire. Câest intolĂ©rable. Vous devez vous y consacrer sĂ©ance tenante et dans ce cas obtenir une rĂ©compense Ă la hauteur de notre gĂ©nĂ©rositĂ©. Ă lâinverse, nous nous verrions dans lâobligation de pulvĂ©riser votre sordide garage et chercher ailleurs, ce nâest pas ce qui doit manquerâŠ
Le vieux TechnoChir fronça les sourcils.
â Vous ne vous montrez guĂšre patient ou civil mon⊠Seigneur, ici, on ne fonctionne pas sous la menace et vous aurez beaucoup de mal Ă trouver mieux autre part. Je veux bien regarder ce quâil en retourne et vous donner le rĂ©sultat de mon expertiseâŠ
Ă nouveau, lâambassadeur le coupa de ses expressions multicolores changeantes en provenance de ses vĂȘtements, son corps ou les deux sans doute.
â VoilĂ qui est rĂ©glĂ©, prenez avec vous le nĂ©cessaire et accompagnez-nous immĂ©diatement, la navette nous attend Ă lâextĂ©rieur. Le Biltog se trouve en orbite basse.
Sitbal se saisit en grommelant de sa mallette dâurgence qui patientait Ă cĂŽtĂ© de lâentrĂ©e. Il fit signe Ă Moebius de le suivre pour lâassister dans son voyage. Celui-ci ne se fit pas prier, inquiet quâil Ă©tait de cette visite et de ses consĂ©quences. Il enclencha la vitesse supĂ©rieure de ses ailes vrombissantes qui Ă©mirent un hoquet avant de repartir de plus belle. Il passa le sas qui se refermait en penchant son corps sphĂ©rique vers la proue, pour Ă©viter de se retrouver coincĂ© et parvenir Ă rattraper les deux autres, partis sans attendre.
***
La porte du garage sâouvrit en chuintant. Les divers composants en vadrouille dans le passage se prĂ©cipitĂšrent pour regagner comme si de rien nâĂ©tait, qui, leur emplacement en hauteur, qui, leurs abris sous Ă©tagĂšres basses ou Ă©tablis pour se faire oublier du propriĂ©taire.
Sitbal, dâhumeur joyeuse, ce qui Ă©tait plutĂŽt rare, jeta sa sacoche sur la petite commode qui rentra les Ă©paules pour absorber le choc. Moebius agitait ses ailes brumeuses dâinquiĂ©tude en suivant avec difficultĂ©s les grandes enjambĂ©es du vieux TechnoChir. Il ne tarda pas Ă manifester son impatience.
â Mais enfin, quâest-ce qui tâa pris ? chouina-t-il en direction de son complice.
Un lĂ©ger sourire aux lĂšvres, Sitbal sâavança vers son vieux fauteuil fatiguĂ© pour se laisser tomber sur son assise dĂ©foncĂ©e. Les ressorts poussĂšrent un cri de gĂ©missement et de protestation rentrĂ©e avant de retourner Ă leur torpeur. Posant ses mains sur les accoudoirs, dont le cuir usĂ© se rappelait les griffes des multiples chats les ayant frĂ©quentĂ©s, il releva la tĂȘte vers son associĂ©.
â Mon vieux Moebius, que je tâexplique pourquoi ce jour est bĂ©ni.
Il renifla un coup et se saisit dâune de ces cigarettes faites main dont on prĂ©fĂ©rait ignorer la constitution intĂ©rieure. Lâayant allumĂ©e et tirĂ© une bouffĂ©e odorante, il reprit.
â Alors voilĂ , jâai bien observĂ© et discutĂ© avec le vaisseau cosmorganique, le Biltog. Son souci, hormis le fait dâĂȘtre lâesclave de ces dangereux hurluberlus, Ă©tait de nature organique. Tu ne vas pas le croire, mais la technique de dĂ©placement hyperspatial et interunivers est liĂ©e Ă lâutilisation de son anatomie bien particuliĂšre. La nourriture qui lui est fournie enclenche des rĂ©actions du systĂšme digestif qui du cĂŽtĂ© supĂ©rieur absorbe la quasi-totalitĂ© de ce qui est ingĂ©rĂ© et de lâautre infĂ©rieur provoque la fabrication de gaz hautement rĂ©pulsif. Câest lâĂ©vacuation, tu mâentends bien, lâĂ©vacuation arriĂšre qui propulse lâanimal dans les profondeurs du cosmos ! Incroyable, ça serait tordant, si ce nâest ce quâendure la malheureuse crĂ©ature. Bref, elle en a dĂ©veloppĂ© des irritations inflammatoires qui ont mis en panne tout son appareil digestif. Raison pour laquelle, Son Altesse et sa clique ne pouvaient pas rentrer chez eux ! Je me suis entretenu longuement avec la pauvrette et jâai donc dĂ©cidĂ© de la guĂ©rir, au vu de ses souffrances largement supĂ©rieures aux ennuis quâelle subissait par ailleurs.
Moebius tangua sa désapprobation aérienne vers Sitbal.
â Mais tu te rends compte que tu as rendu service et libĂ©rĂ© ces dangereux maniaques. Ils vont pouvoir mettre leurs menaces Ă exĂ©cution, rentrer chez eux, opprimer les leurs avant de revenir rĂ©gler notre sort. Et je ne parle pas de cette malheureuse crĂ©ature que tu as dĂ©barrassĂ©e de sa maladie pour la livrer Ă nouveau Ă ses chaĂźnesâŠ
Le vieux TechnoChir leva sa main fumeuse pour calmer le robot aérien.
â Attends, je nâai pas fini, dĂ©clama-t-il entre deux bouffĂ©es euphorisantes. Lors de nos brĂšves conversations tĂ©lĂ©pathiques, par lâintermĂ©diaire de mon casque neurotransmetteur, jâai pu Ă©changer avec notre pauvre amie. Elle mâa expliquĂ© oĂč se situaient les capsules des quartiers dâhabitation des passagers. Elles sont insĂ©rĂ©es dans les circonvolutions hautes de ses intestins, seul endroit possible qui se trouve de plus Ă lâabri de lâexpulsion gazeuse basse. Nous avons Ă©laborĂ© ensemble un plan dâaction pour les soins et la suite. CâĂ©tait pas Ă©vident pour elle, vu les consĂ©quences, mais elle a acceptĂ©, connaissant les Ă©ventualitĂ©s offertes. Je lui ai donc administrĂ© le traitement pour Ă©liminer toute infection et dĂ©sagrĂ©ment en cours, puis le pansement doublant sa membrane intestinale en vue du redĂ©marrage. Enfin, chose vendue Ă lâambassadeur qui se montrait tout sourire Ă lâidĂ©e de pouvoir repartir, jâai ajoutĂ©, sans frais supplĂ©mentaires, de la levure de Kourgountz pour amĂ©liorer et stimuler le systĂšme digestif de la crĂ©ature.
â De la levure de Kourgountz ?!!! sâĂ©cria Moebius, mais câest un puissantâŠ
Le robot ailĂ©, qui nâen pouvait plus de tournoyer son Ă©motion dans les airs, trouva plus prudent de se poser sur lâĂ©tabli jouxtant le fauteuil. Sitbal inhala une grande bouffĂ©e de sa cigarette, avant de jouer Ă projeter des ronds de fumĂ©e vers le plafond. Tout autour de lui, attentifs Ă lâhistoire, plus rien ni personne nâosait lever un petit doigt ou une extrĂ©mitĂ© quelconque. Mais comme le travail ne tarderait pas Ă reprendre, le silence, une fois nâest pas coutume, ne persisterait pas longtemps. Il serait Ă nouveau brisĂ© par le concert dâentrechocs des piĂšces dĂ©tachĂ©es se disputant la meilleure place dans le hangar du garage heuristique.
Sitbal finit par opiner du chef, jugeant que lâattente avait assez durĂ©.
â Oui, un puissant laxatif rĂ©pondit-il en consultant sa montre universo-temporelle. Ă ce moment mĂȘme, lancĂ© Ă toute vitesse aux confins du vide intersidĂ©ral, le Biltog va pĂ©ter des flammes, ĂȘtre pris dâune diarrhĂ©e monumentale qui va Ă©jecter aux quatre coins du nĂ©ant la totalitĂ© des capsules de passagers. Les spasmes dâĂ©vacuation vont expulser tout ce beau monde dans lâespace, dâoĂč ils pourront admirer, au milieu de nulle part et des dĂ©jections liquides Ă©parpillĂ©es, la splendeur du cosmos. Exit sa MajestĂ©, lâambassadeur et sa troupe qui vont pouvoir danser parmi les Ă©toiles. Adieu veaux, vaches, cochons, lait, couvĂ©e et rĂȘve de grandeur extragalactique. Le peuple lĂ -bas, retrouvera bientĂŽt sa libertĂ©, comme notre ami lâastronef qui va lentement se remettre avec ce que je lui ai prescrit pour reprendre sa destinĂ©e en main. Une fois pleinement rĂ©tablie de son nettoyage interne, elle pourra sâĂ©loigner du nouveau domaine de Babylas V, empereur incontestable et incontestĂ© du vide sidĂ©rant et sidĂ©ral.


