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Moras, la Malédiction | Philippe Lemaire | 2017


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 21/02/2020 | Lu 908 fois






Moras, la Malédiction - Tome 1 - Pleine Lune (2017)

Le soleil était levé depuis peu quand il s’éveilla, et Isha se prit à espérer que l’astre du jour allait peut-être enfin retrouver un rythme normal pendant quelques mois. La vie était quand même bien plus facile pour le peuple quand le soleil se levait et se couchait à un rythme régulier.

La malédiction perdurera jusqu'à la nuit des temps, jusqu'à ce que des derniers humains qui la nourrissent aient définitivement quitté ce monde. C'est d'ailleurs peut-être pour bientôt. Qui peut savoir avec cette lune qui ne cesse de quitter son orbite ?

Après avoir revisité le mythe du vampire et de Dracula, Philippe Lemaire nous plonge dans de nouvelles aventures au cœur de l’Ouest Américain. Moras, la malédiction est en marche.

Fiche de lecture

Préambule : Dans tous les livres d'héroic-fantasy une exploration géographique est nécessaire pour celui qui va s'introduire en un lieu purement imaginaire empreint de magie, de sorcellerie et de mystère. Cette cartographie, sous forme illustrative, représente en dessin les reliefs montagneux, les chemins forestiers, les rivières et les océans entourant des terres sauvages où quelques créatures fantastiques attendent les faux pas du promeneur inconscient dans la perspective de le malmener. Que ce soit près des citées, nouvelles ou anciennes, ces êtres hideux enclenchent un ensemble de rouages mortels stratégiques et avilissants. Les monstres mythologiques prennent une pause contrariée croqués d'une manière exagérée. Ces comportements conquérants soulèvent l'idée qu'emprunter pareils endroits mènerait les héros vers des aventures périlleuses sans espoir de retour. En immersion dans ces territoires archaïques, prêt à en découdre, les hommes devront alors conjurer le mauvais sort. La personnification de la mort et du mal par ces démons pourrait les contraindre à abandonner la mission dont ils s'étaient engagés à réussir. Pourtant il faudra compter sur leur vaillance guerrière créant chez le lecteur le désir de plonger plus en profondeur dans le récit. Ces cartes géographiques sont les yeux du narrateur, son esprit s'ancre dans le texte par des procédés purement littéraires.

Concernant le travail sur Moras, la malédiction, on ne peut faire une comparaison qu'en demi-teinte avec le genre cité ci-dessus. Ce monde est partiellement en adéquation avec le genre héroic-fantasy. Ici pas de crayonné en guise de présentation, l’Amérique amérindienne se raconte au travers du prisme de la flore et de la faune dans une très grande majeure partie du livre. Philippe Lemaire nous fait une relecture du peuple amérindien en prenant soin de n'avoir qu'un seul parti pris, celui d'une ethnie qu'il nous apprend à aimer. Alors oui, ici pas de genre explicitement héroic-fantasy, toute la dimension du merveilleux a été écarté pour ne présenter qu'une atmosphère d'épopée mi-historique, mi-fantastique et c’est beaucoup plus excitant et franchement exaltant.

Une interprétation de l'Ouest Américain : Sans dater, ni identifier clairement l'environnement où les protagonistes se déplacent, l'auteur nous surprend. A chaque détour de phrase il nous propose une invitation dans un espace verdoyant plein de danger où le péril peut être climatique, venir d'une adversité menaçante, d'animaux féroces de toutes sortes. S’il y a quelque chose à assimiler ce sont les différentes leçons de vie que nous vivons à travers le personnage principal, Isha, le chasseur attitré de la communauté. Car la chose la plus précieuse dans le fonctionnement d'un peuple nomade se définit par une détermination réfléchie sur ses besoins vitaux, la survie en respectant les traditions ancestrales inculquées de génération en génération.

Tous les détails sont autant d'éléments nous donnant des indices concluant sur la datation d'un monde qui nous interpelle, un monde sauvage où les hommes se défendent aux moyens d'armes explicites, qui vivent dans des habitations en toiles, des chemins tracés en direction de villes faites de bois, des individus habillés de vêtements en peaux d'animaux. Le contexte historique répond alors de lui-même.

Sans temps mort : La façon d'écrire de Philippe Lemaire s'articule sur une constante révélation des agissements d'Isha. Les contrées qu'il visite, ses terrains de chasse, son attitude humaniste et son courage souvent mise à rude épreuve donnent un rythme efficace au récit. Les contrées magnifiquement révélées dépeignent un amour très fort envers la nature. L'auteur vous fait basculer à l'intérieur d'une région cachant en son milieu des secrets inavouables censés mettre en péril la vie d'autrui (Moras). Les efforts du chasseur à essayer de maintenir un comportement juste, prendre les bonnes décisions, nous autorise à croire que son parcours n'est autre qu'initiatique. Qu'y a-t-il de mieux qu'un héros de cette trempe pour que le lecteur s'identifie à lui ?!

L'aventure et le danger se positionnent dans le texte comme le point culminant d'une inspiration dirigée sur l'action et le choix communautaire d'un peuple. Ces séjours en compagnie de ces amérindiens sont une immersion dirigée uniquement sur leur fonctionnement jusqu'à ce que l'imagination mystique de l'écrivain s'intègre dans sa partie la plus fantastique.

Une mise en relief artistique : Les caractéristiques artistiques du roman de Philippe Lemaire sont gérées par cette force descriptive qui maintient un perpétuel plaisir de lecture. La puissance du texte montre des paysages changeants en corrélation avec les émotions d'Isha et de ses compagnons. Les images affluent par cette organisation de nœuds dramatiques imagés au sein de plusieurs atmosphères. Parfois apaisées, parfois terrifiantes, ces couleurs sont influencées et embellies par une nature, dont on imagine derrière, une entité manipulatrice responsable des joies et des maux d'un peuple amérindien toujours en mouvement pour sa survie. Quoi plus de normal d'apprécier dans un univers qui à trait à l'histoire, un côtoiement avec les contes et légendes, un point de vu sombre, une orientation adulte sur le devenir d'une certaine réalité.

En finalité : Avec Radu Dracula, son fabuleux vampire, nous nous retrouvions au centre de la Transylvanie protégée par la chaîne de montagnes des Carpates constituant dans sa partie orientale tout un monde magique chargé d'histoires et de traditions millénaires fondés sur le vampirisme.

Avec Moras, la malédiction, en apposant sa marque d'auteur, Philippe Lemaire propose une ambiance différente avec une accroche sensible sur une impression particulière, une introduction dans l'intemporalité d'un chamanisme universel. Parce que ce chamanisme-là sous-entend une pratique et une pensée amérindienne par le déroulement et la compréhension des faits, sans pour autant être précis, l'on pourrait penser à l'exposition d'autres chamanismes aux pratiques identiques ; ce flou alimente des interrogations et fait naître une envie de savoir.

Empreint de mystères et de secrets, et par ces entre-faits légendaires, l'auteur exploite son sujet de prédilection sur les non-morts dans l'Ouest-Américain par l'intermédiaire de cette atmosphère significative. La nature décrite n'incite personne à franchir la frontière inconnue où l'ombre des Moras, créatures mythologiques néfastes, engendrent la peur et une condition de damnation pour ceux les approchant.

Ce premier tome est passionnant.

Moras, la Malédiction - Tome 2 - Sombre Lune (2017)

La voix était grave, se répercutait dans toute la pièce comme si elle venait de partout à la fois, et n’avait rien d’humain. Il y avait là quatre femmes et un homme – celui qui avait parlé – et il n’eut aucun mal à reconnaître la morte rousse qu’il avait contemplée dans son cercueil un instant plus tôt. Elle arborait toujours sa pâleur cadavérique, mais la peau n’était plus parcheminée et semblait pleine de vie. Même ses vêtements avaient perdu leur aspect moisi. Les autres avaient la même apparence, aussi bien les deux femmes brunes richement vêtues que la blonde, et l’homme de haute taille à la chevelure argentée avait l’air d’une sorte de Seigneur ou de Prince. La rousse ressuscitée s’aperçut soudain que le jeune chasseur posait sur elle des yeux effarés. Elle lui adressa alors un sourire qui dévoila deux canines supérieures anormalement longues et effilées, des canines comme Isha n’en avait déjà que trop vues. Il perçut le crissement du révolver de Tekoa qui jaillissait de son holster et il détourna ses yeux de la morte pour voir le chef des éclaireurs braquer son arme contre les cinq nouveaux venus.

La malédiction perdurera jusqu'à la nuit des temps, jusqu'à ce que des derniers humains qui la nourrissent aient définitivement quitté ce monde. C'est d'ailleurs peut-être pour bientôt. Qui peut savoir avec cette lune qui ne cesse de quitter son orbite ?

Le peuple doit-il rester terré dans les montagnes noires par crainte de ces épouvantables moras ? Ce ne serait pas très glorieux, ce ne serait alors plus un peuple de nomades, et la chasse nécessite de déplacer le campement quand vient la belle saison de toute façon. Comment tirer quelques bisons autrement qu’en allant les chercher dans les grandes plaines ? Mais viendra-t-elle au moins la belle saison ? Rien n’est moins sûr avec cette Terre qui ne tourne plus rond et cette nuit qui dure déjà depuis plus de quatre vingt seize heures.

Après avoir revisité le mythe du vampire et de Dracula, Philippe Lemaire nous plonge dans de nouvelles aventures au cœur de l’Ouest Américain. Moras, la malédiction est en marche.

Philippe André
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💬Commentaires

1.Posté par Christobal COLUMBUS le 01/01/2022 12:12 | Alerter
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ChristoColumbus
Moras, la Malédiction - Tomes 1 & 2
Fidèle à son style, Philippe Lemaire fait de nouveau voyager ses lecteurs en compagnie de ses personnages - principaux ou secondaires – qu’ils apprécieront ou détesteront très rapidement au fil des premières lignes.

Car oui, effectivement chaque personnage est à nouveau très bien travaillé et il en va de même pour la précision des descriptions des innombrables paysages explorés.

Le monde animal (dont celui de la faune) et sa relation avec les humains y sont savamment campés et le lecteur peut ressentir sincèrement le respect et l’affection qu’a l’auteur pour les animaux. Ce respect brille notamment dans l’exposé de chaque scène équestre ou de chasse ou lorsqu’il parle d’un certain chien-loup. Chevaux dont on prend bien soin et gibiers que l’on respecte sont continuellement présents et inévitablement nécessaires dans cette aventure.

Tout ce monde étant mis en place, il reste à l’intégrer dans un contexte particulier et c’est là que Philippe Lemaire déploie tout la suite de son talent ! Prendre un peuple de nomades d’origine amérindienne et le projeter dans un temps post apocalyptique futur est une idée très originale.

Avant de découvrir ce monde où la nature a repris ses droits, on apprend comment devaient vivre ces peuples de nomades indiens toujours en déplacement pour leur survie en fonction des saisons.

Ce monde post apocalyptique pose aussi des questions :
- Que s’est-il passé pour que l’humanité en soit arrivée là ?
- Quel est cet incroyable dérèglement constamment présent que connaît la Terre et qui perturbe autant les acteurs que le lecteur lui-même ?

Pas au bout de ses surprises, ce même lecteur bascule en plus dans une ambiance horrifique-fantastique, un certain univers dont l’auteur est reconnu pour en être expert…

Si les nombreux déplacements de cette tribu sont souvent décrits assez longuement, ce sentiment de longueur ne vient jamais à l’esprit car actions et rebondissements sont constants.

L'auteur installe tellement bien chaque intervenant - humain ou animal - dans l’action que l’on ressent assez douloureusement la perte de l’un de ceux-ci (un concept dans lequel il excelle également).

Un détail m’a tout de même perturbé tout au long des deux tomes : la mesure du temps.

Attention, ici petit spoiler :

Comment avoir une notion du temps en heures ou en jours lorsque les jours et les nuits ne sont plus réguliers ? Il est bien expliqué que la Lune se rapproche parfois dangereusement de la Terre mais aussi qu’aléatoireme...

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