Voici une petite nouvelle humoristique qui parle de pirates spatiaux.
Naturellement, toute ressemblance avec des personnes existantes relèverait de la pure coïncidence.
En espérant qu'elle vous amusera, bonne lecture !
Naturellement, toute ressemblance avec des personnes existantes relèverait de la pure coïncidence.
En espérant qu'elle vous amusera, bonne lecture !

Montage © Le Galion des Etoiles
Avec, dans les rôles principaux à l'insu de leur plein gré, les Galionautes...
- Jean Christophe Gapdy : Jycé l’Araignée géante
- Koyolite Tseila : Cap’tain Koyo
- Robert Yessouroun : Bob le Robot
- Jean-Michel Archaimbault : JanMi le surmulot Arkonide
- Bruno Blanzat : DoubleB le terrien nostalgique
- Eric Marie : Malric le corsaire
- Didier Reboussin : Boubou le Crapaud
- Koyolite Tseila : Cap’tain Koyo
- Robert Yessouroun : Bob le Robot
- Jean-Michel Archaimbault : JanMi le surmulot Arkonide
- Bruno Blanzat : DoubleB le terrien nostalgique
- Eric Marie : Malric le corsaire
- Didier Reboussin : Boubou le Crapaud
✨🏴☠️ Les petits métiers du futur : pirates des étoiles 🏴☠️✨
La Cap'tain Koyo se réveilla l'esprit embrumé. Se glissant avec peine hors de sa couchette, elle envoya rouler une bouteille de rhum vide à l'autre bout de sa cabine.
— Houlala ! J'ai mal aux cheveux ! lâcha-t-elle à mi-voix en se redressant lentement.
Elle se pencha pour attraper sa jambe de bois qui traînait par terre et entreprit de la visser sur son moignon droit. Par coquetterie, elle s'était fait amputer d'une jambe afin de déambuler sur le Galion en faisant claquer délibérément sa prothèse sur le sol. L'équipage savait alors qu'elle était dans les parages et qu'il avait intérêt à filer droit. Elle tenait à sa jambe de bois comme à la prunelle de son œil de verre. Elle l'avait dénichée dans un souk sur une obscure planète, et était convaincue de son antiquité. Une étrange inscription gravée dans le bois l'attestait : « made in China ». Elle ignorait ce que cela signifiait, supputant qu'il s'agissait peut-être d'une incantation ou d'une formule magique.
— Où est ce fainéant de Boubou ? cria-t-elle en chancelant un peu sur le seuil de sa cabine. Il a essayé de m'empoisonner avec son rhum frelaté !
Le couloir était vide et seul le léger bourdonnement des générateurs lui répondit. Elle réitéra sa question en criant.
— Vous dormez tous ou quoi bande d'ivrognes ?
Au bout de quelques secondes, une voix apeurée se fit entendre :
— Je suis là Cap'tain !
Surgissant d'un coude du couloir, une araignée géante, d'un noir profond et bardée de longs poils veloutés s'approcha.
— Dis donc Jycé : qui est aux commandes ? rugit Koyo.
Effrayé par le ton incisif du Cap'tain, le monstre s'arrêta net et esquissa une amorce de repli stratégique.
— Bob le Robot me remplace Cap'tain. J'avais une petite faim et...
— Mais bougre d'astronavigateur temporel de pacotille ! Tu sais bien que Bob n'y connaît rien en pilotage ! Il va nous précipiter droit dans une étoile !
— J'ai mis le GPS(1) Cap'tain. On risque rien !
— Ouais, on en reparlera ! Retourne à ton poste au lieu de tisser des toiles n'importe où ! On s'y prend sans arrêt les pieds ! Il est où cet alcoolique de Boubou ?
— Il cuve dans la réserve Cap'tain.
— Appelle-moi cet abruti et tous ses petits copains. Briefing au carré et tout de suite : on a du pain sur la planche ! Et fissa, parce que si cela continue c'est pas du pain qu'il va y avoir sur la planche !
Jycé ne se le fit pas dire deux fois et saisit l'occasion au vol pour s'éclipser, pas fâché d'échapper à l'ire du Cap'tain.
Celle-ci était soudain fébrile. Elle reconnaissait qu'elle n'aurait pas dû se laisser aller à une soirée de beuverie alors même qu'aujourd'hui elle devrait conduire une opération importante. Elle et l'équipage n'avaient pas le droit de rater ce rendez-vous car les derniers mois s'étaient avérés décevants. Ils n'avaient abordé que des petits rafiots cabotant entre deux planètes minables. Le butin était dérisoire et, plus grave encore, le Galion avait failli tomber entre les griffes de la Spatiale. Heureusement, elle faisait régner une discipline de fer à bord et ses gaillards, malgré la faiblesse des prises, n'avaient pas osé se mutiner ou déserter. Cependant, il fallait que la roue tourne : la proie qui était à leur portée, si ses informations étaient bonnes, effacerait ces temps de disette ! En claudiquant allègrement dans la coursive, elle entreprit de rejoindre le carré dans lequel s'étaient précipités tous les membres de l'équipage à son appel, sauf Bob le Robot, toujours aux commandes. Outre Jycé, il y avait là Boubou le Crapaud, encore à demi éméché, dégoulinant de bave, JanMi le surmulot Arkonide, à l'expression toujours absente, Malric, un corsaire authentiquement diplômé d'Etat reconverti dans la piraterie et DoubleB, un terrien nostalgique de la Normandie qui s'efforçait de convaincre Boubou de remplacer le rhum par du cidre. Le bruit de la béquille du Cap'tain, au fur et à mesure qu'elle approchait, engendrait des sursauts de panique chez les brigands rassemblés sur son ordre. Lorsqu'elle entra dans la pièce, un silence de mort l'accueillit. Elle ne laissa pas le temps à l'équipage de se reprendre et glapit :
— Bande de bons à rien : d'après Jycé c'est aujourd'hui ou jamais qu'on touche le gros lot et vous avez vu dans quel état vous êtes ? Puisque tu n'es toujours pas à ton poste, jeta-t-elle en pointant sa jambe de bois vers l'araignée qui cherchait à se faire toute petite, raconte-nous à nouveau ton histoire !
Jycé parcourut l'assistance de ses six yeux. Tous ses poils étaient hérissés en raison de la terreur que lui inspirait la Cap'tain. Au bout d'une longue seconde il se jeta à l'eau :
— Ben voilà : lors de notre dernière escale j'ai fait la connaissance d'une petite mygale de Cassiopée adorable et...
— Ah oui j'la connais, c'est Berthe aux grandes pattes ! Paraît qu'elle file plus vite que son ombre ! s'exclama JanMi sortant brutalement de son indolence.
— Silence ! On s'en fout de cette Berthe. Au fait ! le coupa sèchement la Cap'tain.
— Elle m'a appris que l'Orion-Express transportait quarante tonnes de farine à moudre.
— C'est drôle, fit DoubleB. Je jurerais que la farine c'est quelque chose de déjà moulu.
La Cap'tain le fixa durement :
— Ne cherche pas à feinter avec moi ! Je sais que tu vas retrouver ta scène de crime ! Alors pas d'excuses, tu feras comme les autres si tu veux ta part de butin. Avec toute cette farine on va se faire du blé. Ensuite mon cher Jycé ?
— Berthe m'a indiqué le lieu de la résurgence, contre un petit câlin, finit-il par avouer, un peu embarrassé.
— Et alors ? persifla la Cap'tain en affichant un méchant sourire moqueur.
— Il sortira du trou de ver 666, dans deux heures galactiques.
— Hé bien voilà : vous voyez, quand vous le voulez les choses sont claires ! Maintenant que vous savez tout, au boulot feignasses ! On a un arraisonnement à préparer !
Comme par enchantement les pirates se dispersèrent pour rejoindre leur poste sans provoquer les hurlements de la Cap'tain. Celle-ci, jouissant secrètement de la peur qu'elle inspirait à l'équipage emboîta le pas à Jycé en direction du poste de pilotage.
Dans celui-ci se tenait Bob le Robot. Il ne vit pas le couple faire irruption, tout occupé qu'il était à se contempler dans un miroir, un pinceau en main, en train de se dessiner une fine moustache.
— Espèce de boîte de conserve ! aboya la Cap'tain en le considérant d'un regard farouche. C'est comme ça que tu surveilles les instruments ?
Bob le Robot, dont la programmation était extrêmement poussée, sursauta et se retourna vivement vers ses visiteurs :
— J'ai mis le GPS Cap'tain !
De fait, les instructions émises par l'automate s'enchaînaient :
« Dans 1 minute-lumière, au pulsar PSR B0531+21, prendre une trajectoire oblique à 45°. »
Dix secondes s'écoulèrent puis :
« Suivre cette direction sur 4 années-lumière ».
La Cap'tain parut soudain apaisée.
— Bon, pas de bêtises les enfants, on a moins de deux heures pour tout préparer.
« Vous êtes arrivés. Votre destination sur la droite».
Les trois pirates se tournèrent avec ensemble vers la vaste baie vitrée qui donnait directement sur le vide. Bien visible, à peu de distance, brillait un trou de ver entouré d'une collerette bleue fluo. Sur celle-ci s'inscrivait son matricule : 666.
— Hé bien mon petit Jycé ! s'exclama la Cap'tain en arborant un sourire sardonique : cela va être à toi de jouer ! Tu vas me tisser une superbe toile bien gluante pour piéger l'Orion-Express à la sortie de ce joli trou de ver.
L'araignée géante se renfrogna :
— Je vais encore attraper froid dans l'espace.
— Dis donc Coco, t'avais qu'à travailler à la POSTE(2) : tu serais fonctionnaire ! AU BOULOT FEIGNASSE ! s'emporta-t-elle. Tu as moins de deux heures pour tout terminer !
Dépité et vexé, Jycé se dirigea vers le sas de sortie en maudissant la suite d'évènements qui l'avaient conduit à se mettre au service de cette irascible Cap'tain. Une fois à l'extérieur du Galion, frissonnant de tout son être, il s'approcha du trou de ver et entreprit de l'occulter en y tissant sa toile. C'était là, il devait bien se l'avouer, une activité délassante. Seulement, il n'était pas question pour lui d'en profiter sereinement. Les gesticulations de la Cap'tain qu'il distinguait derrière la verrière du poste de pilotage lui rappelaient qu'il avait intérêt à se dépêcher.
Avant de réintégrer le Galion, il considéra son œuvre. Il était satisfait. L'Orion-Express allait s'engluer dans sa toile et ses compères disposeraient de tout le temps nécessaire pour s'emparer du précieux container rempli de farine. Au moment de s'introduire dans le sas, il aperçut au fond du trou de ver les phares de l'Orion-Express en approche. Il pensa que la délicieuse Berthe ne lui avait pas menti et une onde de tendresse le submergea. Déjà, l'équipe chargée de couper l'amarre du container de marchandise que traînait l'Orion-Express se mettait en formation. Lui avait fait son job et pourrait assister depuis le poste de pilotage à la suite des évènements.
Pour une fois la Cap'tain semblait satisfaite puisqu'elle le complimenta lorsqu'il fit son apparition dans le poste, encore tout grelotant de sa sortie dans l'espace.
— Jolie toile mon arachnide préférée ! Regarde : l'Orion-Express vient de s'y faire prendre comme un gros moucheron !
En effet, le vaisseau spatial était désormais prisonnier des rets tissés par Jycé et les pirates entreprenaient déjà de détacher le précieux container pour le pousser en direction des cales du Galion. L'opération fut promptement menée et la Cap'tain allait ordonner le repli stratégique lorsqu'elle se ravisa :
— Mais que fait cet idiot de Boubou ?
Bob le Robot et Jycé suivirent la direction indiquée par la Cap'tain. Là-bas, passant de hublot en hublot au long de la coque de l'Orion-Express, Boubou, dans un scaphandre trop grand pour lui, s'amusait à faire des coucous aux passagers attablés devant leurs petits déjeuners. Il était clair que l'attaque des pirates n'avait pas entraîné de panique à bord. Tout le monde savait que la Spatiale viendrait les délivrer. Quant aux marchandises dérobées, les assurances paieraient.
— Il est complètement bourré, constata Jycé. Il faut aller le chercher !
— Il n'a qu'à rester là cet animal, on ne va pas perdre de temps pour un poivrot ! La Spatiale le traitera à l'eau minérale. Allons plutôt nous occuper du butin !
Une fois éloigné de sa proie, le Galion fit relâche et les pirates se rassemblèrent pour le partage. Il était d'usage que la Cap'tain inventorie les prises avant de distribuer les parts qui revenaient à chacun. Lorsqu'ils la virent sortir de la soute armée d'un rouleau à pâtisserie, leurs visages s'éclairèrent.
— Ouah ! Ce doit être de la bonne farine ! La Cap'tain va nous faire des gâteaux ! s'exclama JanMi.
Comme tous les surmulots Arkonides, il était gourmand. Cependant le visage fermé de la Cap'tain semblait démentir cette supposition.
— Jycé ! Mon petit Jycé ! Viens me voir...
L'araignée géante qui redoutait ce genre d'invitation s'avança avec prudence. Alors, avant même d'être à la portée du rouleau, la Cap'tain, brandissant son gourdin dans sa direction rugit :
— Faudra que ta Berthe se débouche les oreilles ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse de quarante tonnes de machines à coudre ?
Notes :
— Houlala ! J'ai mal aux cheveux ! lâcha-t-elle à mi-voix en se redressant lentement.
Elle se pencha pour attraper sa jambe de bois qui traînait par terre et entreprit de la visser sur son moignon droit. Par coquetterie, elle s'était fait amputer d'une jambe afin de déambuler sur le Galion en faisant claquer délibérément sa prothèse sur le sol. L'équipage savait alors qu'elle était dans les parages et qu'il avait intérêt à filer droit. Elle tenait à sa jambe de bois comme à la prunelle de son œil de verre. Elle l'avait dénichée dans un souk sur une obscure planète, et était convaincue de son antiquité. Une étrange inscription gravée dans le bois l'attestait : « made in China ». Elle ignorait ce que cela signifiait, supputant qu'il s'agissait peut-être d'une incantation ou d'une formule magique.
— Où est ce fainéant de Boubou ? cria-t-elle en chancelant un peu sur le seuil de sa cabine. Il a essayé de m'empoisonner avec son rhum frelaté !
Le couloir était vide et seul le léger bourdonnement des générateurs lui répondit. Elle réitéra sa question en criant.
— Vous dormez tous ou quoi bande d'ivrognes ?
Au bout de quelques secondes, une voix apeurée se fit entendre :
— Je suis là Cap'tain !
Surgissant d'un coude du couloir, une araignée géante, d'un noir profond et bardée de longs poils veloutés s'approcha.
— Dis donc Jycé : qui est aux commandes ? rugit Koyo.
Effrayé par le ton incisif du Cap'tain, le monstre s'arrêta net et esquissa une amorce de repli stratégique.
— Bob le Robot me remplace Cap'tain. J'avais une petite faim et...
— Mais bougre d'astronavigateur temporel de pacotille ! Tu sais bien que Bob n'y connaît rien en pilotage ! Il va nous précipiter droit dans une étoile !
— J'ai mis le GPS(1) Cap'tain. On risque rien !
— Ouais, on en reparlera ! Retourne à ton poste au lieu de tisser des toiles n'importe où ! On s'y prend sans arrêt les pieds ! Il est où cet alcoolique de Boubou ?
— Il cuve dans la réserve Cap'tain.
— Appelle-moi cet abruti et tous ses petits copains. Briefing au carré et tout de suite : on a du pain sur la planche ! Et fissa, parce que si cela continue c'est pas du pain qu'il va y avoir sur la planche !
Jycé ne se le fit pas dire deux fois et saisit l'occasion au vol pour s'éclipser, pas fâché d'échapper à l'ire du Cap'tain.
Celle-ci était soudain fébrile. Elle reconnaissait qu'elle n'aurait pas dû se laisser aller à une soirée de beuverie alors même qu'aujourd'hui elle devrait conduire une opération importante. Elle et l'équipage n'avaient pas le droit de rater ce rendez-vous car les derniers mois s'étaient avérés décevants. Ils n'avaient abordé que des petits rafiots cabotant entre deux planètes minables. Le butin était dérisoire et, plus grave encore, le Galion avait failli tomber entre les griffes de la Spatiale. Heureusement, elle faisait régner une discipline de fer à bord et ses gaillards, malgré la faiblesse des prises, n'avaient pas osé se mutiner ou déserter. Cependant, il fallait que la roue tourne : la proie qui était à leur portée, si ses informations étaient bonnes, effacerait ces temps de disette ! En claudiquant allègrement dans la coursive, elle entreprit de rejoindre le carré dans lequel s'étaient précipités tous les membres de l'équipage à son appel, sauf Bob le Robot, toujours aux commandes. Outre Jycé, il y avait là Boubou le Crapaud, encore à demi éméché, dégoulinant de bave, JanMi le surmulot Arkonide, à l'expression toujours absente, Malric, un corsaire authentiquement diplômé d'Etat reconverti dans la piraterie et DoubleB, un terrien nostalgique de la Normandie qui s'efforçait de convaincre Boubou de remplacer le rhum par du cidre. Le bruit de la béquille du Cap'tain, au fur et à mesure qu'elle approchait, engendrait des sursauts de panique chez les brigands rassemblés sur son ordre. Lorsqu'elle entra dans la pièce, un silence de mort l'accueillit. Elle ne laissa pas le temps à l'équipage de se reprendre et glapit :
— Bande de bons à rien : d'après Jycé c'est aujourd'hui ou jamais qu'on touche le gros lot et vous avez vu dans quel état vous êtes ? Puisque tu n'es toujours pas à ton poste, jeta-t-elle en pointant sa jambe de bois vers l'araignée qui cherchait à se faire toute petite, raconte-nous à nouveau ton histoire !
Jycé parcourut l'assistance de ses six yeux. Tous ses poils étaient hérissés en raison de la terreur que lui inspirait la Cap'tain. Au bout d'une longue seconde il se jeta à l'eau :
— Ben voilà : lors de notre dernière escale j'ai fait la connaissance d'une petite mygale de Cassiopée adorable et...
— Ah oui j'la connais, c'est Berthe aux grandes pattes ! Paraît qu'elle file plus vite que son ombre ! s'exclama JanMi sortant brutalement de son indolence.
— Silence ! On s'en fout de cette Berthe. Au fait ! le coupa sèchement la Cap'tain.
— Elle m'a appris que l'Orion-Express transportait quarante tonnes de farine à moudre.
— C'est drôle, fit DoubleB. Je jurerais que la farine c'est quelque chose de déjà moulu.
La Cap'tain le fixa durement :
— Ne cherche pas à feinter avec moi ! Je sais que tu vas retrouver ta scène de crime ! Alors pas d'excuses, tu feras comme les autres si tu veux ta part de butin. Avec toute cette farine on va se faire du blé. Ensuite mon cher Jycé ?
— Berthe m'a indiqué le lieu de la résurgence, contre un petit câlin, finit-il par avouer, un peu embarrassé.
— Et alors ? persifla la Cap'tain en affichant un méchant sourire moqueur.
— Il sortira du trou de ver 666, dans deux heures galactiques.
— Hé bien voilà : vous voyez, quand vous le voulez les choses sont claires ! Maintenant que vous savez tout, au boulot feignasses ! On a un arraisonnement à préparer !
Comme par enchantement les pirates se dispersèrent pour rejoindre leur poste sans provoquer les hurlements de la Cap'tain. Celle-ci, jouissant secrètement de la peur qu'elle inspirait à l'équipage emboîta le pas à Jycé en direction du poste de pilotage.
Dans celui-ci se tenait Bob le Robot. Il ne vit pas le couple faire irruption, tout occupé qu'il était à se contempler dans un miroir, un pinceau en main, en train de se dessiner une fine moustache.
— Espèce de boîte de conserve ! aboya la Cap'tain en le considérant d'un regard farouche. C'est comme ça que tu surveilles les instruments ?
Bob le Robot, dont la programmation était extrêmement poussée, sursauta et se retourna vivement vers ses visiteurs :
— J'ai mis le GPS Cap'tain !
De fait, les instructions émises par l'automate s'enchaînaient :
« Dans 1 minute-lumière, au pulsar PSR B0531+21, prendre une trajectoire oblique à 45°. »
Dix secondes s'écoulèrent puis :
« Suivre cette direction sur 4 années-lumière ».
La Cap'tain parut soudain apaisée.
— Bon, pas de bêtises les enfants, on a moins de deux heures pour tout préparer.
« Vous êtes arrivés. Votre destination sur la droite».
Les trois pirates se tournèrent avec ensemble vers la vaste baie vitrée qui donnait directement sur le vide. Bien visible, à peu de distance, brillait un trou de ver entouré d'une collerette bleue fluo. Sur celle-ci s'inscrivait son matricule : 666.
— Hé bien mon petit Jycé ! s'exclama la Cap'tain en arborant un sourire sardonique : cela va être à toi de jouer ! Tu vas me tisser une superbe toile bien gluante pour piéger l'Orion-Express à la sortie de ce joli trou de ver.
L'araignée géante se renfrogna :
— Je vais encore attraper froid dans l'espace.
— Dis donc Coco, t'avais qu'à travailler à la POSTE(2) : tu serais fonctionnaire ! AU BOULOT FEIGNASSE ! s'emporta-t-elle. Tu as moins de deux heures pour tout terminer !
Dépité et vexé, Jycé se dirigea vers le sas de sortie en maudissant la suite d'évènements qui l'avaient conduit à se mettre au service de cette irascible Cap'tain. Une fois à l'extérieur du Galion, frissonnant de tout son être, il s'approcha du trou de ver et entreprit de l'occulter en y tissant sa toile. C'était là, il devait bien se l'avouer, une activité délassante. Seulement, il n'était pas question pour lui d'en profiter sereinement. Les gesticulations de la Cap'tain qu'il distinguait derrière la verrière du poste de pilotage lui rappelaient qu'il avait intérêt à se dépêcher.
───── ⋆⋅☆⋅⋆ ─────
Avant de réintégrer le Galion, il considéra son œuvre. Il était satisfait. L'Orion-Express allait s'engluer dans sa toile et ses compères disposeraient de tout le temps nécessaire pour s'emparer du précieux container rempli de farine. Au moment de s'introduire dans le sas, il aperçut au fond du trou de ver les phares de l'Orion-Express en approche. Il pensa que la délicieuse Berthe ne lui avait pas menti et une onde de tendresse le submergea. Déjà, l'équipe chargée de couper l'amarre du container de marchandise que traînait l'Orion-Express se mettait en formation. Lui avait fait son job et pourrait assister depuis le poste de pilotage à la suite des évènements.
Pour une fois la Cap'tain semblait satisfaite puisqu'elle le complimenta lorsqu'il fit son apparition dans le poste, encore tout grelotant de sa sortie dans l'espace.
— Jolie toile mon arachnide préférée ! Regarde : l'Orion-Express vient de s'y faire prendre comme un gros moucheron !
En effet, le vaisseau spatial était désormais prisonnier des rets tissés par Jycé et les pirates entreprenaient déjà de détacher le précieux container pour le pousser en direction des cales du Galion. L'opération fut promptement menée et la Cap'tain allait ordonner le repli stratégique lorsqu'elle se ravisa :
— Mais que fait cet idiot de Boubou ?
Bob le Robot et Jycé suivirent la direction indiquée par la Cap'tain. Là-bas, passant de hublot en hublot au long de la coque de l'Orion-Express, Boubou, dans un scaphandre trop grand pour lui, s'amusait à faire des coucous aux passagers attablés devant leurs petits déjeuners. Il était clair que l'attaque des pirates n'avait pas entraîné de panique à bord. Tout le monde savait que la Spatiale viendrait les délivrer. Quant aux marchandises dérobées, les assurances paieraient.
— Il est complètement bourré, constata Jycé. Il faut aller le chercher !
— Il n'a qu'à rester là cet animal, on ne va pas perdre de temps pour un poivrot ! La Spatiale le traitera à l'eau minérale. Allons plutôt nous occuper du butin !
───── ⋆⋅☆⋅⋆ ─────
Une fois éloigné de sa proie, le Galion fit relâche et les pirates se rassemblèrent pour le partage. Il était d'usage que la Cap'tain inventorie les prises avant de distribuer les parts qui revenaient à chacun. Lorsqu'ils la virent sortir de la soute armée d'un rouleau à pâtisserie, leurs visages s'éclairèrent.
— Ouah ! Ce doit être de la bonne farine ! La Cap'tain va nous faire des gâteaux ! s'exclama JanMi.
Comme tous les surmulots Arkonides, il était gourmand. Cependant le visage fermé de la Cap'tain semblait démentir cette supposition.
— Jycé ! Mon petit Jycé ! Viens me voir...
L'araignée géante qui redoutait ce genre d'invitation s'avança avec prudence. Alors, avant même d'être à la portée du rouleau, la Cap'tain, brandissant son gourdin dans sa direction rugit :
— Faudra que ta Berthe se débouche les oreilles ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse de quarante tonnes de machines à coudre ?
Notes :
(1) Galactic Position System
(2) Première Organisation Stellaire Traitant des Extraterrestres