Androïde Blues 6 : Balade d'un million d'années | Michel Maillot | 2025

Je me souviens, lorsque j’étais enfant, certains dimanches comme aujourd’hui, nos papilles étaient réveillées par le son d’une corne, celle du vendeur de pognes. À l’heure du goûter, ce curieux personnage, un grand sac sur le dos, proposait ses généreuses brioches aux impécunieux. Alors, si par bonheur, le porte-monnaie était un peu plus garni que de coutume, ma mère se laissait tenter, juste pour le plaisir de voir briller les yeux de mon frère et les miens, bien sûr.
Michel, pour moi, c’est un peu ça. Il débarque le dimanche à l’improviste, il sort de sa musette un texte qu’il a patiemment travaillé, façonné avec tendresse comme le ferait l’artisan passionné.
Comme je suis gourmand (euphémisme), je sais qu’avant même la première ligne, je vais me régaler. Douceur, humanité, bienveillance, imagination et style… tous les ingrédients sont dans la pâte, il ne me reste plus qu’à déguster.
Un bien joli texte donc, tout en rondeur, où l’on découvre avec les yeux d’Angéliane et Julius, l’avenir de Mars. J’étais assis près d’eux, à coté du loup… je suis un contemplatif.

Comment ne pas penser à Bradbury ! Le pique-nique du million d'années se prolonge en balade, et Michel joue sur les mots, comme il aime si bien le faire, en nous laissant un air de Nino Ferrer dans la tête.
Il aura réussi à désamorcer tout ce qu'on attendait, par une fin contemplative, apaisée. Mars, planète de la paix ? Il fallait le faire !
Ce monde ouvert est sensuel, végétal, débarrassé de la violence ordinaire, englobé et englobant, il aboutit au Gestalt, forme ultime du vivant. Ils sont même à deux doigts d'éprouver l'intuition d'une loi morale, face au ciel étoilé : "Comment ne pas la ressentir, cette émotion intense et vertigineuse qui vous enserre la poitrine ? (...) De ce noir profondément mystérieux qui, progressivement, se pare de ces milliers d’étoiles, toutes plus sublimes les unes que les autres."
Une belle convergence qui s'achève en douceur.