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📚 Un capitaine de quinze ans | Jules Verne | 1878

19/05/2013
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Un capitaine de quinze ans, éditions Hetzel et éditions J'ai Lu et une illustration de Dick Sand peinte par Henri Meyer
Un capitaine de quinze ans, éditions Hetzel et éditions J'ai Lu et une illustration de Dick Sand peinte par Henri Meyer
Le Pilgrim vogue vers l'Amérique. Dick Sand, jeune homme de quinze ans, y cÎtoie quelques passagers pittoresques : Mrs. Weldon, le cousin Bénédict, et quelques Noirs américains. Par un concours de circonstances des plus mystérieux, l'équipage disparaßt. Dick se retrouve aux commandes. Alors qu'il croit mener l'embarcation à bon port, le "capitaine de quinze ans" et ses compagnons se retrouvent tout à fait ailleurs...

Fiche de lecture

« Cependant, par cela mĂȘme que la mer est dĂ©serte, il ne faut pas renoncer Ă  l’observer jusqu’aux derniĂšres limites de l’horizon. Si monotone qu’elle puisse paraĂźtre aux esprits inattentifs, elle n’en est pas moins infiniment variĂ©e pour qui sait la comprendre. Ses plus insaisissables changements charment les imaginations qui ont le sens des poĂ©sies de l’OcĂ©an. Une herbe marine qui flotte en ondulant, une branche de sargasses dont le lĂ©ger sillage zĂšbre la surface des flots, un bout de planche dont on voudrait deviner l’histoire, il n’en faut pas davantage. Devant cet infini, l’esprit n’est plus arrĂȘtĂ© par rien. L’imagination se donne libre carriĂšre. » (Jules Verne, Un Capitaine de quinze ans, extrait chapitre 6, 1878)

â›”PremiĂšre partie

1873. Cette histoire dĂ©bute en Nouvelle-ZĂ©lande. Le brick-goĂ©lette Pilgrim est amarrĂ© dans le port d’Auckland. Ce bĂątiment de pĂȘche de 400 tonneaux appartient Ă  James-W. Weldon, riche armateur californien, qui en a confiĂ© depuis plusieurs annĂ©es le commandement au capitaine Hull. Si le Pilgrim est l’un des plus petits bateaux de la flottille de l’armateur, il n’en est pas moins le meilleur de tous, car son grĂ©ement, trĂšs maniable, permet Ă  son capitaine de s’aventurer un peu partout, avec peu d’hommes d’équipage.

Cette annĂ©e-lĂ , cependant, la pĂȘche Ă  la baleine est mauvaise. En bref, la saison n’a pas Ă©tĂ© trĂšs heureuse pour le Pilgrim, dont l’équipage a quittĂ© le navire Ă  Auckland pour se faire embaucher ailleurs. Le capitaine Hull essaye de recruter un nouvel Ă©quipage de pĂȘche, mais en vain. Tous les marins disponibles se sont embarquĂ©s sur d’autres baleiniers.

Le capitaine Hull doit donc renoncer Ă  l’espoir de complĂ©ter le chargement du Pilgrim et se dispose Ă  quitter Auckland, quand une demande de passage lui est faite, une requĂȘte qu’il ne peut refuser ! En effet, la passagĂšre n’est autre que Mrs. Weldon, la femme de son patron, accompagnĂ©e de son jeune fils Jack, ĂągĂ© de 5 ans, et de l’un de ses parents, le cousin BĂ©nĂ©dict.

Pour la petite histoire, le riche armateur, que ses opérations de commerce obligent quelques fois à visiter la Nouvelle-Zélande, les y avait amenés tous les trois, et comptait bien les reconduire à San-Francisco. Mais au moment du départ, le petit Jack était tombé gravement malade. Son pÚre, réclamé par ses affaires, avait été obligé de quitter Auckland, en y laissant sa famille.

Le Capitaine Hull se voit donc contraint de prendre les trois membres de la famille de son patron à bord du Pilgrim pour les reconduire en Amérique. Mais ne voilà-t-il pas que 3 semaines aprÚs le départ du brick-goélette, le capitaine Hull et tout son équipage disparaissent en chassant la baleine ! Ce jour-là, il ne reste donc plus que deux marins à bord : Dick Sand, un jeune novice de 15 ans, et Negoro le cuisinier, un sombre individu


Dans cette premiĂšre partie, Jules Verne nous conte une aventure sur les mers, truffĂ©e d’épisodes inattendus et de rencontres improbables : rencontre avec une Ă©pave abritant des Noirs et un chien, poursuite de baleine, disparition du capitaine, tempĂȘtes, etc.

Mais il nous décrit aussi le courage et la détermination de Dick Sand, jeune capitaine de 15 ans, qui se retrouve aux commandes bien malgré lui et qui est bien décidé à conduire Mrs Weldon et ses amis à bon port, dut-il donner sa propre vie pour les sauver.

Si au dĂ©part le ton est plutĂŽt trivial, plus on avance dans le rĂ©cit, plus la « croisiĂšre » se dĂ©grade. On sent qu’un dĂ©sastre se prĂ©pare... Et la prĂ©sence de Negoro Ă  bord y est pour beaucoup. Ce sale type n’hĂ©site pas Ă  saboter le brick-goĂ©lette, Ă  casser les instruments de navigation et Ă  fausser la boussole. Que mijote-t-il ? Quel sort rĂ©serve-t-il Ă  Dick Sand et Ă  ses compagnons ? Pourquoi Dingo le chien Ă©prouve-t-il une haine viscĂ©rale Ă  son Ă©gard ?

La tension monte au fil de cette longue traversĂ©e et le plus grand danger ne vient peut-ĂȘtre pas forcĂ©ment des Ă©lĂ©ments naturels qui se dĂ©chaĂźnent contre le Pilgrim
 Et en fin de compte, lorsque la terre sera enfin en vue, elle ne sera peut-ĂȘtre pas tout Ă  fait celle espĂ©rĂ©e


â›”DeuxiĂšme partie

EchouĂ©s sur un continent qu’ils croient ĂȘtre la cĂŽte ouest de l’AmĂ©rique du Sud, plus prĂ©cisĂ©ment une province inhabitĂ©e du PĂ©rou, les naufragĂ©s du Pilgrim, Dick Sand, Mrs. Weldon, le petit Jack, le cousin BĂ©nĂ©dict, Nan la nourrice, le vieux Tom, Hercule, Bat, ActĂ©on, Austin et Dingo le chien, trouvent un refuge provisoire dans une grotte en attendant de faire le point sur leur situation. Le sinistre Negoro, lui, leur a faussĂ© compagnie aprĂšs le naufrage et a disparu dans la nature


Un matin, sur la plage, Dick Sand et sa troupe font une rencontre. Un homme se tient lĂ  sur la berge ! Il approche vers eux et se prĂ©sente cordialement. Il s’appelle Harris, il est amĂ©ricain et entreprend un voyage. Mrs. Weldon lui explique alors qu’ils ont fait naufrage et qu’ils ont besoin d’aide. En effet, il leur faut regagner au plus vite la civilisation, afin de contacter son mari pour lui dire qu’ils sont sains et saufs. Harris propose alors de les emmener Ă  l’hacienda San-Felice, qui appartient Ă  l’un de ses frĂšres. LĂ  ils seront bien reçus, puis des moyens de transport seront mis Ă  leur disposition pour gagner la ville la plus proche. L’hacienda se trouve Ă  deux cents milles d’ici et Harris, qui connaĂźt bien la rĂ©gion, offre de leur montrer le chemin au travers des plaines et des forĂȘts. Commence alors un trĂšs long voyage Ă  pieds dans des contrĂ©es sauvages


Si au dĂ©part les rescapĂ©s Ă©prouvent de la gratitude envers Harris, leur confiance en lui commence Ă  s’effriter au fil des jours de marche, suite Ă  une succession d’incidents, qui leur font fortement douter de la vĂ©racitĂ© de ses dires et mĂȘme plus grave encore, du pays dans lequel ils se trouvent rĂ©ellement
 C’est seulement lorsqu’ils entendent le rugissement d’un lion et qu’ils dĂ©couvrent au pied d’un arbre des fourches, des chaĂźnes brisĂ©es et des mains mutilĂ©es, que la vĂ©ritĂ© leur saute aux yeux : ce n’est pas l’AmĂ©rique du Sud, c’est l’Afrique ! L’Afrique Ă©quatoriale ! L’Afrique des traitants et des esclaves !

Et c’est sur ces mots terribles que dĂ©bute la seconde partie de ce roman, tandis qu’Harris, leur fausse compagnie pour rejoindre Negoro :
« Quant Ă  moi, pendant les premiers jours de marche, je suis bien parvenu Ă  lui faire prendre cette province pour le dĂ©sert d'Atacama que j'ai visitĂ© autrefois ; mais le moutard qui rĂ©clamait ses caoutchoucs et ses oiseaux-mouches, mais la mĂšre qui demandait ses quinquinas, mais le cousin qui s'entĂȘtait Ă  trouver des cocuyos ! Ma foi, j'Ă©tais Ă  bout d'imagination, et, aprĂšs leur avoir fait avaler Ă  grand-peine des autruches pour des girafes... Une trouvaille, cela, Negoro ! – je ne savais plus qu'inventer ! D'ailleurs je voyais bien que mon jeune ami n'acceptait plus mes explications ! Puis, nous sommes tombĂ©s sur des traces d'Ă©lĂ©phants ! Puis, les hippopotames se sont mis de la partie ! Et tu sais, Negoro, des hippopotames et des Ă©lĂ©phants en AmĂ©rique, c'est comme des honnĂȘtes gens aux pĂ©nitentiaires de Benguela ! Enfin, pour m'achever, voilĂ  le vieux noir qui s'avise de dĂ©nicher au pied d'un arbre des fourches et des chaĂźnes dont quelques esclaves s'Ă©taient dĂ©barrassĂ©s pour fuir ! Au mĂȘme moment rugit le lion, brochant sur le tout, et il est malaisĂ© de faire prendre son rugissement pour le miaulement d'un chat inoffensif ! Je n'ai donc eu que le temps de sauter sur mon cheval et de filer jusqu'ici ! » (Jules Verne, Un Capitaine de quinze ans, extrait chapitre 2, 1878)

Nos amis sont donc perdus en plein cƓur du terrible Angola, pays que sillonnent les caravanes d’esclaves sous le fouet des tyrans esclavagistes. Et malheureusement, le petit groupe, Ă  l’exception d’Hercule qui parvient Ă  fuir, va tomber entre leurs mains. Ils vont vivre des moments difficiles et assister Ă  des Ă©vĂ©nements tellement Ă©pouvantables, que nul mot ne serait ĂȘtre assez fort pour qualifier ces horreurs.

Ils ne devront leur salut qu’au courageux Hercule, qui les tirera de ce mauvais pas. Une fois libres, Dick Sand et son groupe embarquent sur un radeau de fortune pour redescendre un fleuve, qui, espĂšrent-ils, rejoindra la mer oĂč ils pourront trouver des habitations et du secours. Sur ce long fleuve, de nouveaux pĂ©riples les attendent : cannibales, animaux sauvages, cascades, etc. ArrivĂ©s prĂȘts du but, ils recroiseront le sinistre Negoro. Toutes les questions que l’on se posait Ă  son sujet seront rĂ©solues.

Cette histoire se terminera tout de mĂȘme sur une note positive, malgrĂ© le fait que tous ne reviendront pas vivants de l’Afrique


La partie de l’histoire pendant laquelle les hĂ©ros sont prisonniers est assez longue, et je pense qu’elle a pour but que le lecteur sache ce que sont actuellement (en 1878, donc) encore ces chasses Ă  l’homme, oĂč et comment s’exĂ©cutent ces razzias barbares, ce qu’elles coĂ»tent de sang, ce qu’elles provoquent d’incendies et de pillages, et au profit de qui elles se font.

Si la premiĂšre partie de cette aventure se voulait plutĂŽt triviale, je me dois d’avertir le lecteur que cette seconde partie n’a rien de divertissant ou d’amusant. Jules Verne nous parle de la traite des noirs et dĂ©nonce ses abominations. « La traite ! Personne n’ignore la signification de ce mot, qui n’aurait jamais dĂ» trouver place dans le langage humain Â», rappelle-t-il. Il explique : « On pourrait croire que la traite ne se fait plus [
]. Il n’en est rien, et c’est lĂ  ce qu’il faut que le lecteur sache, s’il veut s’intĂ©resser intimement Ă  la seconde partie de cette histoire. Â» Et dans ce tout premier chapitre, Jules Verne nous donne une leçon d’histoire, Ă  mon avis essentielle, pour expliquer et rappeler Ă  nos mĂ©moires ce qu'Ă©tait la traite, et d'oĂč elle tenait ses origines.

â›”Conclusion

« Un Capitaine de quinze Ans » est un long roman sur lequel il y a beaucoup à dire, car il présente plusieurs thÚmes.

En premier lieu, avec ce livre, Jules Verne nous offre une vĂ©ritable dĂ©nonciation de l’esclavagisme. Il le condamne purement et simplement (ce sujet est Ă©galement prĂ©sent dans 2 autres de ses romans). Il nous prĂ©sente aussi la culture anthropophage des peuples d’Afrique.

Au travers de son personnage principal, le jeune Dick Sand, il nous fait part de ce qu’est un douloureux apprentissage de la vie d’adulte. Pour ce capitaine de 15 ans, il s’agit Ă©galement d’un voyage initiatique, une initiation Ă  la vie, oĂč courage et dĂ©termination sont salvateurs.

Ensuite, avec le cousin BĂ©nĂ©dict est imposĂ©e la dĂ©couverte de l’entomologie. De par son excentricitĂ© et son dĂ©sintĂ©rĂȘt total pour le monde qui l’entoure, ses congĂ©nĂšres ou encore les choses matĂ©rielles, ce savant apporte une petite note de lĂ©gĂšretĂ© Ă  ces aventures.

Et puis, il ne faut pas oublier le chien Dingo, qui tient un rĂŽle important dans cette histoire. Avec lui est amenĂ© le thĂšme de la vengeance, dans le sens « un juste retour aux choses ». Ceci s’applique d’ailleurs aussi Ă  Dick Sand lorsqu’il tue Harris.

Au final, qu’ai-je pensĂ© de ce livre ? J’ai lu plusieurs ouvrages de Jules Verne, surtout les plus connus, et je dois dire que celui-ci est un peu diffĂ©rent, dans le sens qu’il n’a pas vraiment trait Ă  l’Imaginaire. Bien au contraire, il nous plonge au cƓur d’une cruelle rĂ©alitĂ©. On est loin du « Voyage au Centre de la Terre » ou encore du « Rayon vert » ou de « L’ìle mystĂ©rieuse ».

Personnellement, je ne dirais pas que j’ai eu plaisir Ă  lire cette histoire, car elle est triste et trop « rĂ©elle » Ă  mon goĂ»t. Par contre, j’ai trouvĂ© le livre trĂšs intĂ©ressant, fort bien Ă©crit, et j’ai apprĂ©ciĂ© y dĂ©couvrir un Jules Verne trĂšs terre-Ă -terre qui crie haut et fort ce qu’il pense de l’esclavagisme. C’est une lecture enrichissante, avec des personnages attachants.

Si je devais vous recommander un livre de Jules Verne, partant du principe que vous ne connaissiez pas l’auteur, ce n’est pas celui-ci qui je choisirais. Cependant, si vous apprĂ©ciez les Ɠuvres de Jules Verne, et que les thĂšmes abordĂ©s ici vous intĂ©ressent, alors je vous encourage chaleureusement Ă  vous plonger dans cette lecture.

Koyolite Tseila
Copyright © Koyolite Tseila pour Le Galion des Etoiles. Tous droits réservés. En savoir plus sur cet auteur


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