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Eternity incorporated | Raphaël Granier de Cassagnac | 2011


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 31/05/2012 | Lu 824 fois




Eternity incorporated | Raphaël Granier de Cassagnac | 2011
Après l'anéantissement de la civilisation par un virus inconnu, une partie de l'humanité survivante a trouvé refuge dans une ville-bulle régentée par un ordinateur central omnipotent : le Processeur. Isolés du monde extérieur, les habitants de la bulle se retrouvent brutalement séparés de l'ordre lénifiant distribué depuis des siècles. Trois citoyens, Sean l'artiste drogué proche des opposants au Processeur, Ange la gardienne de la loi prête au sacrifice et Gina l'ingénieur ambitieuse se lancent dans une quête dangereuse des secrets du Processeur et d'eux-mêmes !

Fiche de lecture

Le Processeur veut votre bien. Il vous soigne, il gère votre vie, il gère le trafic, il s'occupe des affaires de la cité, probablement beaucoup mieux que ne le pourrait faire n'importe quel humain. C'est lui qui régit intégralement la Bulle où vivent, depuis plusieurs centaines d'années déjà, les derniers survivants de la race humaine, décimée par un virus. Seulement voilà : un beau matin, le Processeur tombe en panne. Et là, on fait quoi ?

C'est à ce moment précis, le matin de la Grande Panne, que démarre le récit d'Eternity Incorporated. L'auteur, Raphaël Granier de Cassagnac, dont c'est le premier roman, nous livre les destins croisés de trois personnages qui, tout comme les autres citoyens de la Bulle, vont devoir apprendre, bien malgré eux pour certains, la vie de "Déconnecté" : prendre des décisions par eux-mêmes, affronter le terrible danger de l'extérieur sans la protection du Processeur, choisir leur destin collectif. Pas toujours facile, quand on a été biberonné depuis sa plus tendre enfance par un gentil ordinateur...

Je ne vais pas vous le cacher : j'ai vraiment passé un super moment à lire Eternity Incorporated, et je le recommande sans hésitation. On ne croule pas sous la bonne SF francophone, et, dans le genre, ce bouquin se défend vraiment bien, alors allez-y sans crainte, messieurs dames, vous ne vous ennuierez pas.

Le récit entremêle les histoires de trois protagonistes, Sean, le DJ star sous ecsta - pardon, sous "UV", le carburant préféré des gens un peu branchouille de la Bulle, Gina, l'ingénieure surdouée, qui entretient une relation si privilégiée avec le Processeur qu'elle n'a même pas besoin de petit ami (je vous laisse découvrir...), et Ange, la fière guerrière, dont l'autorité naturelle fait, à son grand dam, un peu peur aux mecs. Hors de question que je vous balance qui couche avec qui, ça tuerait le suspense. En revanche, ce que je peux vous dire, c'est que l'auteur maîtrise bien cet enchevêtrement d'histoires, qu'il sait les mêler et les démêler habilement, et surtout qu'il réussit à l'utiliser pour nous garder sous tension. L'intrigue va vite, elle nous amène dans des directions totalement inattendues, et elle sait délicieusement distiller par petites gouttes les secrets du monde parfois très humain, souvent un peu flippant, et toujours franchement fascinant qu'a inventé pour nous Raphaël Granier de Cassagnac (je vais l'appeler RGDC, ce sera plus court).

Ce monde, ceux d'entre vous qui, comme moi, sont des fans de mangas futuristes comme GUNM ou Evangélion vont l'aimer. C'est tout plein d'"exoptères", de "glisseurs", de "missiles à percussion", de robots bizarroïdes et plus vrais que nature (RGDC a un véritable talent pour faire vivre les machines, ce qui tombe plutôt bien, vu que l'un des personnages-clés en est une). Le descriptif du livre sur le site de l'éditeur mentionne également Matrix comme source d'inspiration. Cependant, à moi qui ai un peu joué aux jeux de rôles dans ma tendre enfance, le monde de la Bulle m'a surtout rappelé l'univers d'un jeu excellent, très grinçant, et fort injustement oublié, intitulé Paranoia (édité chez Jeux Descartes à l'époque). Mais ne vous y méprenez pas pour autant : contrairement au monde ubuesque et profondément absurde du Complexe Alpha (c'est ainsi qu'on appelait l’équivalent de la Bulle dans Paranoia), celui d'Eternity Incorporated est sérieux, plein de sens, et pas dénué d'une certaine poésie. A mesure qu'on avance dans le roman, RGDC nous en dévoile les recoins, il nous initie à sa grammaire. Et j'ai, pour ma part, pris d'autant plus de plaisir à ce parcours initiatique qu'il s'intègre parfaitement à l'intrigue.

Mon seul bémol portera sur les personnages, que j'ai trouvés un peu inégaux. Certains sont très réussis, à l'instar des deux filles, que j'ai trouvées hyper attachantes. Gina, en particulier, est rendue touchante par les faiblesses qu'elle nous révèle. Certains seconds ou troisièmes rôles sont également brossés avec beaucoup de bonheur, comme par exemple la Présidente, admirable de dignité et de droiture au milieu d'un parterre de conseillers tous plus médiocres et calculateurs les uns que les autres, la speakerine de journal télévisé, superbement détestable, ou même l'"avatar", ce robot - pourtant mort ! - à qui RGDC réussit l'exploit de donner, par petites touches subtiles et à travers les yeux de Gina, une personnalité à laquelle on a authentiquement envie de croire. En revanche, certains autres personnages sont beaucoup moins réussis, malheureusement, pour certains, au point de nuire parfois à la crédibilité du récit. Sean et ses amis new age, par exemple, j'ai nettement moins accroché. Sean ne prend aucune décision qui ne soit dictée par autre chose que la nécessité, ou par un autre personnage. A un moment de l'histoire, on lui confie une responsabilité véritablement historique, et lui ne trouve rien de mieux à faire que d'aller, pour des raisons pas hyper convaincantes, se gober des UV avec des clodos. En bref, je le trouve un peu mou. Quant à son pote le messie hippie Picasso, non seulement je le trouve totalement caricatural, mais surtout je n'arrive pas à comprendre comment il réussit à se placer premier dans les sondages électoraux auprès d'une population incertaine de son avenir, avec pour toute programme celui de se balader à poil et de remettre en cause la propriété privée. Là, pour le coup, on n'y croit pas. Même en prenant beaucoup, beaucoup de drogues...

Cela dit, n'en faisons pas tout un plat, car l'essentiel est là, et bien là : Eternity Incorporated est un récit solide, profond, et surtout excellemment mené. Ce qui me ferait vraiment plaisir pour RGDC, ce serait qu'un réalisateur japonais s'en empare pour en faire une adaptation en film d'animation.

Matsya FromMars
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