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📚 Dix portraits de femmes en guerre | StĂ©phane Croenne | 2025

Récit(s)

23/12/2025
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Dix portraits de femmes en guerre © 2025 Editions Arkuiris | Illustration de couverture © Volodymyr Zakharov
Dix portraits de femmes en guerre © 2025 Editions Arkuiris | Illustration de couverture © Volodymyr Zakharov

QuatriĂšme de couverture

Les guerres sont souvent présentées comme des affaires d'"hommes", dont les femmes ne seraient que des victimes à protéger. Victimes, elles le sont certainement, mais elles sont également actrices des conflits, à travers des formes d'engagements aussi bien morales que militaires.

Ce recueil dresse dix portraits de femmes confrontées à la guerre. Certaines sont anonymes, d'autres portent des noms célÚbres : Hannah Arendt, Marie Curie, Marina Ovsiannikova.

Des tranchĂ©es de la guerre de 14-18 Ă  l'Ukraine aujourd'hui, elles se battent sur la ligne de front, Ă©crivent, protestent, rĂ©sistent, et continuent de vivre et d'espĂ©rer, mĂȘme quand cela paraĂźt impossible. Autant de maniĂšres de faire face et de rester debout.

Fiche de lecture

Quel rapport peut-il bien y avoir entre l’imaginaire, c’est-Ă -dire les courants de ce que l’on nomme parfois la SFFFH (Science-Fiction, Fantasy, Fantastique et Horreur) et un tel recueil, mĂȘlant Ă  la fois des parts de vĂ©ritĂ©s vraies et justement d’imaginaire ?

Eh bien, tout, justement. Ce que l’auteur nous explique parfaitement dans sa prĂ©face. Ainsi, dit-il, dans ces rĂ©cits, certaines parties, certains dĂ©tails, certains points de vue ne sont pas « vrais Â». Mais Ă  l’intĂ©rieur du cadre, la peinture est « rĂ©elle Â». Soyons modestes avec les termes employĂ©s, le mot « rĂ©el Â» est presque un gros mot en littĂ©rature, car rien n’est plus complexe que le lien entre une phrase et le monde qu’elle est censĂ©e reflĂ©ter


Au point que pour Stabat Mater, le huitiĂšme portrait, celui de Marie Curie, il lui a plu d’imaginer la savante dĂ©crite par sa propre dĂ©couverte et de renverser ainsi la perspective. La science-fiction n’est pas loin
 (sic)
 
Voici dix rĂ©cits, dix histoires qui ont en commun d’une part de montrer la guerre, ou plutĂŽt certaines facettes des guerres (trop innombrables et trop Ă©ternelles) que se livrent les humains pour un bout de territoire, un pouvoir et une mainmise sur les autres, en en montrant l’horreur, la tragĂ©die, le dĂ©sespoir et la dĂ©tresse endurĂ©es, mais aussi la farouche opposition, le combat contre ce mal et tout ce qu’elles drainent avec elles, par des femmes, parfois devenues cĂ©lĂšbres ou connues, parfois anonymes ou presque, mais toujours bien rĂ©elles.
 
Ces rĂ©cits se lisent et forment une progression d’un trop proche passĂ© (depuis la 1re Guerre mondiale) Ă  une actualitĂ© terriblement brĂ»lante (avec la si proche guerre en Ukraine) selon un fil « rouge Â», un voyage parfois rĂ©el, parfois virtuel, parfois imaginaire de l’auteur qui nous en livre le tracĂ© sur la carte de l’Europe depuis Paris jusqu’à Lviv, Ă  l’ouest de l’Ukraine.

Tous m’ont touchĂ© et je me sens maladroit d’en faire le moindre rendu pour en parler, tant il y a de force et de poigne en eux. Je vais le tenter avec quelques phrases pour chacun et l’on me pardonnera de ne pouvoir en restituer toute l’intensitĂ©.
 
1 – Quatre tocs Ă  la porte : Charlotte L.
Souvenirs de famille dans une Alsace occupĂ©e et une femme prise entre ses racines allemandes et françaises, mais qui rĂ©sistera aussi bien aux regards et Ă  la surveillance des nazis qu’aux prĂ©jugĂ©s et critiques de certains voisinages. C’est l’histoire la plus personnelle de l’auteur et la plus marquante, oĂč tout jusqu’à la fin, jusqu’au dernier mot posĂ©, m’a emportĂ©, tant j’ai retrouvĂ© de liens avec des souvenirs de famille de cette pĂ©riode terrible ou d’autres plus rĂ©centes.

2 – Au-delĂ  de la hutte : Hannah Arendt
Le portrait de la politologue qui fut Ă  la fois admirĂ©e et vivement critiquĂ©e est brossĂ© au fil d’une « promenade Â» oĂč son humanitĂ© est remise en avant au-delĂ  de toute controverse pour mieux l’apprĂ©hender et, peut-ĂȘtre, mieux la comprendre pour qui connait son Ɠuvre. Une façon aussi de vous inciter Ă  la dĂ©couvrir, mĂȘme partiellement, si ce n'est pas le cas.
 
3 – Antonietta sublime
Si vous avez vu le film d’Ettore Scola, « Une journĂ©e particuliĂšre Â», vous comprendrez que l’on veuille le revoir Ă  la lecture de ces quelques pages, tant l’histoire – ce fragment d’Histoire – qu’elle transpose est sujet Ă  mille questionnements face Ă  l’incomprĂ©hensible carcan qui enserre la vie de cette femme. Ce texte m’a laissĂ© empli de la mĂȘme tristesse que l’avait fait le film.
 
4 – L’hĂ©ritage, Jelena
Les quelques mots de prĂ©ambule suffisent Ă  rappeler une vĂ©ritĂ© que l’on oublie trop souvent et que cette histoire nous livre. Ils la rĂ©sument parfaitement : On ne peut pas dĂ©finir les gens. C’est une ambition vaine. On peut les dĂ©peindre. Pour en faire ressortir quelque chose. C’est de cette façon qu’on accĂšde Ă  leur vĂ©ritĂ©. Aucun ĂȘtre humain ne tient dans une formule.
 
5 – Une tendresse sur le quai, Dilnaz
Quand une mĂšre recherche vainement et dĂ©sespĂ©rĂ©ment son fils parti Ă  la guerre et jamais revenu
 c’est une immense peine et tristesse qui enveloppe cette histoire oĂč l’on peut comprendre, mais l’on sait trop vite qu’on ne peut rien faire, ni aider, ni soutenir. Dramatiquement rĂ©el tant cela m’a fait repenser Ă  une disparition ayant touchĂ© un ami d’enfance.
 
6 et 7 – Diptyque de Varsovie, Helena et Krystyna
Avant que le mur ne tombe, avant que Solidarnoƛć ne fasse basculer la Pologne
 dans les annĂ©es 70, mon pĂšre Ă©tait parti deux fois Ă  Varsovie pour plusieurs jours, envoyĂ© lĂ -bas par son entreprise. Ce qu’il nous en avait racontĂ© Ă  ses retours m’avait quelque peu marquĂ© quant aux restrictions subies, Ă  l’attitude des ouvriers qu’il avait cĂŽtoyĂ©s, aux lieux oĂč il avait mangĂ© et dormi, de ce qui se faisait en façade et en « sous-main Â» (y compris les dessous-de-table). Lire ce diptyque m’a fait repenser Ă  cela et revoir les Ă©vĂ©nements des annĂ©es 80-90, jusqu’à la chute du mur et la mort de Ceaușescu.
 
8 – Stabat Mater, Marie Curie
Le texte le plus Ă©trange et aussi le plus dĂ©rangeant pour moi de par sa remise en perspective de tout ce qu’ont entraĂźnĂ© les dĂ©couvertes de Marie Curie, tant sur le plan mĂ©dical par exemple que sur le plan guerrier et meurtrier de ce fait. Une prĂ©sentation qui sait faire la part des choses et rappelle que la science n’est ni bonne ni mauvaise, mais que, comme dans tout ce que nous rĂ©alisations, ce qu’elle apporte ne dĂ©pend que des Hommes dans son utilisation.
 
9 – Ligne de mire, Oksana D.
10 – Six secondes de vĂ©ritĂ©, Marina Ovsiannikova
Cela peut paraĂźtre Ă©trange, mais je vais rĂ©unir ces deux derniĂšres histoires qui m’ont quelque peu secouĂ© et « pris aux tripes Â» si l’on m’autorise l’expression. Nous touchons lĂ  Ă  la guerre Ă  nos portes et Ă  notre Ă©poque puisqu’ici l’auteur nous prĂ©sente deux femmes au cƓur de la guerre en Ukraine. Et il nous le montre, comme dans son premier texte, du cĂŽtĂ© de l’humanitĂ©, du courage, de la vie, de la remise en cause, des doutes et de l’interrogation, avec deux femmes qui ont mis leur existence en jeu et en danger : une snipeuse et une contestataire dans les mĂ©dias.

Je me permettrais de citer quelques extraits de ces textes, car ils collent parfaitement Ă  tout ce que transporte ce recueil :
 
La désespérance est plus intense que le désespoir (page 100).
 
Plus profondĂ©ment, je sens que la guerre, que l’objet littĂ©raire « guerre Â» attaque, comme un acide, l’évidence des mots. Il ne s’agit pas ici, comme dans un roman de science-fiction, d’inventer un univers imaginaire, un monde qui n’a pas d’autre consistance que la langue qui le compose, mais d’exprimer des choses rĂ©elles qui, par bien des aspects, rĂ©sistent au langage. ProblĂšme d’écrivain. Il y a des problĂšmes plus graves que celui-ci (page 107).
 
– Les femmes ne sont pas des demi-soldats. On veut se battre et on sait le faire. Mais on a besoin d’ĂȘtre reconnues et soutenues pour pouvoir agir le plus efficacement possible (page 108) 
 (rĂ©flexion personnelle, je trouve, hĂ©las, que ce serait Ă  plaquer aux quotidiens des femmes dans notre monde dont trop de points sont restĂ©s patriarcaux et archaĂŻques, quant Ă  leurs conditions d’humaines).
 
Moi, je fais la guerre pour qu’elle s’arrĂȘte (page 108).
 
J’ai reposĂ© ce recueil avec une certaine Ă©motion Ă  cause de tout ce qu’il soulĂšve et prĂ©sente. Et si vous pouvez regarder en face ces guerres et rĂ©agir aux tragĂ©dies qu'elles engendrent dans notre monde, je ne peux que vous inviter Ă  ouvrir ce « dĂ©calogue Â», en prenant le temps de plonger dans chaque rĂ©cit et d’en percevoir toute la portĂ©e humaine. Pour ma part, j’ai lu un seul texte par soir, tant chacun est proche du tĂ©moignage et agite de problĂšmes et de questions.

JC Gapdy
Copyright @ J.C. Gapdy pour Le Galion des Etoiles. Tous droits réservés. En savoir plus sur cet auteur


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