Récits maritimes

Belem - Un bateau inépuisable...


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 07/02/2021 | Lu 595 fois





Le Belem au large de Brest le 28 avril 2012 | Par Cyrille161 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20149304
Une tempête pampero, un incendie de cale, une éruption volcanique, des bombardements avec un service durant la Deuxième Guerre mondiale et le BELEM est toujours là en 2021 !
 
Le BELEM est un trois-mâts français construit en 1896 à la demande du chocolatier français Meunier. Comme tous les voiliers marchands de l’époque, sa coque est métallique. Il fait 59m de long sur 9m de maître bau.

Avec ses 15 membres d’équipage, sa mission est principalement réservée à l’importation du cacao venant du Brésil. Son nom lui vient d’ailleurs de la ville portuaire brésilienne « Belém ».

Cauchemar du premier voyage

Lors de son voyage inaugural, le BELEM doit tout d’abord passer à Montevideo en Uruguay pour embarquer 121 mules pour les remonter à Belém au Brésil, ensuite y charger le précieux cacao, puis retour en France.

Le 15 octobre 1896, le BELEM quitte le port de Montevideo direction le Brésil. Dès le lendemain, le navire tout neuf affronte une tempête d’une rare violence au vent glacial appelé dans la région le « pampero ». L’équipage lâche les voiles et lutte plusieurs heures contre cette force de la nature. En fond de cale, c’est l’enfer, le bétail paniqué devient incontrôlable et mouline complètement les aménagements intérieurs du navire.

Le lendemain matin, la tempête s’étant calmée, la situation est consternante : les mâts du bateau sont en partie détruits, plusieurs mules doivent être jetées à la mer. L’équipage se transforme alors en apprentis-vétérinaires afin d’essayer de sauver le reste de la cargaison.

A l’entrée du port Belém, l’équipage espère souffler un peu, le déchargement est prévu le lendemain.

Durant la nuit, un incendie se déclare dans le faux-pont. Pendant que les marins tentent d’éteindre le feu, les pompiers brésiliens peinent à arriver jusqu’au bateau. Le bilan est lourd : aucune bête n’a survécu et le BELEM est en piteux état. Le capitaine parviendra tout de même à convaincre son équipage sous la contrainte à retourner en France mais à vide.

Le navire entre dans l’Estuaire de la Loire en passant devant le Chantier Dubigeon (là où il est né 8 mois auparavant). Soudain, les ouvriers arrêtent leur travail, stupéfaits de voir l’état dans lequel se trouve leur fier voilier que l’on avait surnommé « la gloire de Nantes ».

Après quelques semaines de réparation, le BELEM assume enfin et sans embuches ses missions de transport de cacao entre le Brésil et la France pour le compte du chocolatier Meunier.

Affrontement avec un volcan

Mai 1902, le BELEM doit entrer dans le port de Saint-Pierre en Martinique (Antilles Française). Son quai d’amarrage habituel est déjà occupé par deux autres navires. Le capitaine ennuyé de la situation doit donc accoster dans un port d’attente, une vingtaine de kilomètres plus loin.

A proximité du port de Saint-Pierre, la montagne Pelée, un volcan actif grogne depuis quelques semaines.

Le 8 mai 1902, c’est la catastrophe. Le volcan explose déferlant à 400km/h un nuage de cendres et de feu sur la ville de Saint-Pierre. Trente mille personnes périssent. Le port est complètement ravagé et toute la flotte amarrée est détruite ! Par chance, le petit port provisoire du BELEM est épargné et le bateau ne reçoit qu’un peu de projectiles. Les dégâts sont mineurs.

Le bateau miraculé continue donc ses missions plusieurs années transportant mules, cacao, rhum, sucre, en fonction de la demande de ses armateurs.

Concurrence imbattable, changement de cap

1907. La vapeur coupe la route aux voiliers qui deviennent aussitôt moins rentables. Le BELEM passe par plusieurs propriétaires coloniaux. Après sa 32e traversée transatlantique, le BELEM est destiné au canal de la Martinière, le cimetière des voiliers...

Heureusement, la chance poursuit le bateau toujours en parfait état. Il est racheté en 1914 par le duc de Westminster en Grande-Bretagne pour le transformer en luxueux yacht. Il est alors équipé de deux moteurs et d’hélices.

Durant la Première Guerre mondiale, il est accosté à l’Île de Wight, ce qui le sauvera des bombardements allemands et des premiers sous-marins U-Boot.

Lassé du trois-mâts et voulant acheter plus grand, le duc revend le BELEM au célèbre brasseur britannique Guinness qui le rebaptise FANTÔME II.
Le Belem dans le sillage du Mega Smeralda au large de l'Ile Rousse en Corse en 2011 | Par Jickye — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16431458

Des bombardements et encore de la chance

1939. Guinness décède. Le BELEM-FANTÔME II est désarmé et retourne sur l’Île de Wight.

La Deuxième Guerre mondiale éclate et la Grande-Bretagne est constamment bombardée par les Allemands. Les bombes pleuvent partout sur les côtes anglaises et autour du bateau n’abîmant que son gréement. Le BELEM servira d’ailleurs comme base des Forces navales françaises libres.

Un infatigable bateau

1952. Le BELEM est racheté par un Italien et devient un navire-école. Son nouveau nom : le GIORGIO CINI. Ce n’est qu’en 1979 que le BELEM retrouve son pavillon français et son nom d’origine.

Aujourd’hui encore ce valeureux voilier sert toujours de navire-école, formant 48 cadets avec sa vingtaine de membres d’équipage.

Attitré monument historique, il participe toujours à de nombreuses manifestations navales. Il était d’ailleurs présent à l’Armada de Rouen en juin 2019.

1896-2021 et une carrière qui n’est pas encore finie…
La barre du Belem en 2016 | Par Yann Caradec — https://www.flickr.com/photos/la_bretagne_a_paris/27702016293/, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=50365247

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