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L'Or bleu | Christophe de Rouau | 2018


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 15/07/2019 | Lu 907 fois





Natou est un jeune plébéien d’une vingtaine d’années qui n’a jamais remis en question le monde dans lequel il vit. L’eau a disparu de la surface de la planète et sa fabrication reste le secret d'un peuple vivant dans une cité fortifiée, régit par une loi sévère et intransigeante. Comme l’ensemble de la population de Bidonville, ses journées se résument à travailler dans l’une des usines de production d’eau et à fouiller les ruines de la vieille ville en quête d'objets à échanger contre des rations de nourriture et d’eau. Mais la découverte d’un étrange objet dans les souterrains, lieu de repos des Esprits, va remettre en question ce monde : la véritable nature des citoyens, les responsables de la Grande Pénurie et les fondements de la loi sur l’Or Bleu...

Fiche de lecture

J’ai pris ce « petit » livre en profitant d’être aux côtés de l’auteur sur un stand que nous partagions, mais aussi parce que l’ambiance et le lieu de l’histoire m’interpellaient suite à ma lecture fort agréable du post-apo « Onde de Choc » d’Alain Blondelon chez le même éditeur.

Lu très rapidement et donc bien aimé.

Voici une histoire que se déroule dans notre pays, et plus particulièrement dans la région toulousaine, dans un futur incertain au-delà d’un siècle. À cette époque, l’eau – l’or bleu – est devenue d’une extrême rareté et les humains ont dû faire preuve d’une grande inventivité pour survivre face à la pénurie de cet élément indispensable à la vie.

L’une des premières originalités de cette histoire post-apo est due au fait qu’elle se passe en France et plus particulièrement autour de la cité tolosane. La seconde est qu’elle est écrite au présent, ce qui nous offre une approche plus intime et tournée vers la réflexion et le questionnement, même dans les scènes d’actions. La troisième est de nous offrir un drame humain au sein d’une société nouvelle qui s’est construire au fur et à mesure que la catastrophe écologique s’amplifiait, loin de certains classicismes où les héros doivent survivre et se battre dans un monde où n’existe plus aucune règle ni loi. Là, c’est le contraire, il y a une cité, des règles et des non-règles, mais aussi des lois dont celle de l’Or Bleu.

Natou est un plébéien, un homme des sous-castes qui vit en travaillant dans une usine au service des néo-tolosans et donc des nantis, qui survit en fouillant les décombres de l’ancienne civilisation – la nôtre – à la recherche d’objets à échanger contre ce qui permet de survivre : de l’eau et de nourriture. Car Natou a une famille avec sa femme Azur et son jeune fils Matéo. Dans ce monde, la compensation et l’entraide ne sont pas naturelles, ne font pas partie des sentiments et des préoccupations premières de la survie ; on n’hésite guère à jouer de la lance ou du poignard, à voler un autre fouilleur, à prendre femme ou fille comme de simples objets. La vie n’a plus guère de valeur. Seule l’eau, du moins l’eau officielle, celle que vendent les gens de la cité close, est une richesse. L’eau officielle car il est interdit d’en recueillir ou d’en « fabriquer » soi-même. La cité est l’unique source obligatoire de cette chose précieuse.

Trois grands courants parcourent ce livre. En premier, bien sûr, cette notion de caste et de sous-vie que subissent la majorité des humains de cette région, avec cette domination de la cité et une perte de certains sentiments humains… On a comme une approche de ce qu’il existe en Inde avec les intouchables. En second, cette étonnante idée d’avoir fait « disparaître » l’eau ; plus de lac, plus de mer, ni d’océan, plus de pluie, hormis un jour par an. Pour Mad Max, l’essence était l’or noir ; ici l’eau est l’or bleu. Enfin, en troisième élément sous-tendu, nous avons l’histoire de Natou, d’Azur-Reena et d’Hanza, du vieux Greg, le porteur de mémoire. Tout amène inexorablement à une fin sans échappatoire possible parce que l’eau ne peut revenir, parce que Natou ne pourra engendrer aucun miracle en ouvrant quelque mystérieux barrage où elle aurait été gardée en une réserve immense et secrète. Tout va se jouer avec l’humain, avec ses défauts, ses travers, ses qualités et ses désirs.
 
Une lecture plaisante qui m’a surpris dans les premières pages par le fait que le récit est narré, comme je le disais précédemment, au présent, jusque dans les scènes de tension ou de duels, nous offrant un calme apparent (pas de « il sauta », « bondit », « l’attrapa » et que sais-je encore), une trame qui se déroule selon une écriture réfléchie et posée. Une forme qui nous oblige à tout observer et analyser avec gravité.

Hormis la fin que je trouve trop « convenue », trop proche d’un célèbre roman et film, je n’ai pas de reproche ; c’est top ! Après, mon côté scientifique fait que j’ai ressenti un certain manque en refermant le livre. J’aurais vraiment aimé savoir comment il est possible que la Terre n’ait plus d’eau nulle part ou presque. Notre globe est donc devenu un désert. Les lacs n’auraient pas de fonds stagnants, les mers et les océans, les fonds abyssaux se seraient vidés ? Autre question : quid des autres humains au-delà de cette cité ? Bref, comme dans tous les univers post-apocalyptiques, nous ne voyons qu’un petit bout de coin de Terre. J’espère donc que d’autres romans viendront répondre à une partie de ces questions…

J’ajoute un autre point positif, de mon point de vue : pas de road-movie dans ce post-apo (pas de bombe, ni de virus zombiesque, uniquement une absence d’eau, je le rappelle au cas où vous n’auriez pas suivi ^-^). Cette aventure est centrée sur une cité et sa mystérieuse société qui y est enfermée, une cité qui, dès lors, devient un protagoniste essentiel des drames que nous découvrons. Une histoire avec un seul lieu, un univers en vase clos au cœur de favelas françaises.

Un super plaisir de lecture que je recommande, car il offre une autre approche des post-apos tant dans le style que dans le scénario.

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