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Enquête dans les Carpates | Philippe Lemaire | 2023


Une fiche ajoutée dans nos cales par | 06/08/2023 | Lu 1325 fois





Illustration et quatrième de couverture

Enquête dans les Carpates @ 2023 Rivière Blanche | Illustration de couverture @ Philippe Lemaire | Photo @ Koyolite Tseila, édition privée
"Ce soir-là, en regagnant sa chambre située au premier étage du Popasul Transylvania, Olga scruta les montagnes qui s’élevaient au nord-ouest pour essayer d’apercevoir la cime du mont Frumuşeaua. Après quelques instants, elle finit par l’identifier, notamment grâce à une sorte d’entaille pratiquée au sommet du massif volcanique, laquelle provoquait un à-pic qui, de près, devait être vertigineux. Lors de ses précédentes observations, elle avait déjà remarqué cette particularité, laquelle faisait songer à un éboulement de terrain des temps passés, ou à quelque chose du genre. De si loin, la montagne soi-disant maudite ressemblait à toutes les autres, et la journaliste songea qu’Andreï avait peut-être raison, finalement. Les superstitions de ces territoires perdus des Carpates tenaient certainement plus à la crédibilité de gens simples qu’à une quelconque présence surnaturelle."

C’est avec un enthousiasme plus que modéré qu’Olga Boeriu avait accepté cette drôle de mission dans les Carpates orientales, mais la rédaction de l’Observateur Dace avait sans doute raison : le trafic du bois dans les gigantesques forêts primaires de Transylvanie était une chose trop grave pour ne pas être dénoncée. Toutefois, elle ne s’attendait pas à se retrouver bientôt flanquée d’un drôle d’énergumène au service d’une ONG l’ayant chargé de la même enquête, et encore moins à réaliser, peu à peu, que les vieilles légendes propres à ces contrées retirées puissent avoir un fond de vérité.

Fiche de lecture

Enquête dans les Carpates, illustration intérieure | Dessin @ Philippe Lemaire, avec son aimable autorisation
Olga Boeriu travaille pour l’Observateur Dace, le petit quotidien de Bucarest. Son patron décide de lui confier une nouvelle mission d’investigation, qui l’enchante peu. Il faut dire que la journaliste est habituée aux grandes villes d’Europe présentant un attrait certain. C’est pourquoi, lorsque lui est attribuée la tâche d’aller enquêter sur le trafic du bois dans les Carpates Orientales aux abords d’un bled paumé où elle doit loger, Olga ne cache pas son manque d’enthousiasme.

La voilà bon gré mal gré en route au volant de son Dacia Duster en direction de l’un des endroits les plus perdus de la Roumanie. Arrivée à destination, elle est amenée à faire la connaissance d’un drôle de jeune homme nommé Andreï Grigorescu qui, sous ses faux airs d’imbécile, s’avère être un agent au service d’une ONG écolo plus débrouille qu'il n'y paraît. Lui aussi a été envoyé dans cette région pour enquêter sur la mafia du bois.

Olga et Andreï décident de faire équipe pour mener leur enquête dans les Carpates.

Filmer et interviewer les gardes forestiers et les bûcherons – visiblement bien sous tous rapports - durant leur travail s’avère être assez délicat, les autochtones semblant fort réticents à leur présence. On dirait bien que les investigations de ces deux « fouineurs » dérangent… et on le leur fait bien sentir en tentant de les dissuader - à plus d’une reprise - de lâcher l’affaire.

Que se trame-t-il donc réellement dans ces forêts sauvages ?

De plus, parallèlement à leur reportage, Olga et Andreï sont témoins d’étranges phénomènes sur les pentes boisées d’une montagne avoisinante. Curieux de comprendre ce à quoi ils assistent et sont confrontés, le tandem se heurte au mutisme des habitants de la région. Ils sont terrifiés par la légende auréolant le mont Frumuşeaua et ses ruines.

Mais quelle est donc la teneur de cette légende ?

C’est ce que nous allons découvrir petit à petit…

***

Enquête dans les Carpates, illustration intérieure | Dessin @ Philippe Lemaire, avec son aimable autorisation
L’enquête menée pour attester de l’abattage illégal des arbres et de l’existence d’une mafia relative à ce commerce est passionnante et rondement bien menée sous la plume de Philippe Lemaire. Il n’y a que très peu de temps morts, si ce n’est les moments en soirée permettant de souffler un peu en s’asseyant à la table d’une auberge pour déguster les plats locaux, boire une bonne bouteille et faire le point avec les deux protagonistes sur les événements de la journée. Entre les gardes forestiers rois de la magouille, les bûcherons qui se montrent taciturnes et les chauffeurs de poids lourds aux fausses plaques d’immatriculations étrangères, on est dans le thriller pur.

Cependant, les mafieux et les bêtes sauvages, c’est de la rigolade au regard de ce qui rôde dans ces bois des Carpates Orientales ! En effet, là où ça se corse, c’est lorsque dans le dernier tiers du récit, l’auteur introduit du fantastique. Et quand on connaît sa passion pour le protagoniste du livre de Bram Stoker, il faut s’attendre à tomber sur des dents pointues dans les parages ! 🦇 [Note du capitaine : perso, c’est à ce moment-là que je sors de ma besace mon matériel de survie, à savoir une tresse d’ail et un pieu.]

Extrait :
 
- J'ai comme l'impression d'être observée, malgré ce silence. Vous avez remarqué qu'on n'entend aucun oiseau chanter à cet endroit précis ? Ça gazouille de partout dans toute la montagne, sauf ici. Il y a quelque chose d'étrange dans ces ruines, je commence à en être convaincue.

Cette histoire prend alors une dimension supplémentaire qui, si elle me fout quelque peu les chocottes, n’est pas pour me déplaire. [Note du capitaine : je suis trouillarde et méfiante, mais je m'améliore.]

J’ai tout particulièrement aimé la rencontre avec les loups, ainsi que l’ascension de cet étrange et inquiétant mont Frumuşeaua avec pour but de découvrir qui aurait bien pu y construire jadis un manoir à son sommet. A ce propos, l’auteur ayant été dans les Carpates et s’étant soigneusement documenté, je vous invite à lire sur son site ses recherches sur le vampire.
 
Le style de Philippe Lemaire est fluide, son écriture, soignée. La narration est rythmée. Les descriptions des lieux et des bois sont précises et efficaces, jamais lourdes ni redondantes, permettant de ce fait au lecteur une immersion rapide et absolue au cœur de cette région montagneuse pour s’en imprégner de sa faune, de sa flore et de ses ambiances. Visuellement, cerise sur le gâteau : en plus de l'illustration de couverture, Philippe Lemaire a réalisé une série de jolis dessins en noir et blanc qui ont été placés à l’intérieur du roman.

Olga Boeriu et Andreï Grigorescu sont des personnages sans prétention, des êtres ordinaires comme vous et moi, auxquels l’on peut s’identifier. Au fil des pages, on les accompagne partout, on suit – on vit ! - leurs péripéties, on partage leurs réflexions, leurs doutes, leurs craintes, mais on admire aussi leur courage et leur persévérance à mener cette enquête. Leur personnalité réciproque se dévoile peu à peu et l’on finit par s’attacher à eux. Je les aime bien ces deux-là !   

Bref, vous l’aurez compris, j’ai beaucoup apprécié ce roman. C'est un thriller prenant saupoudré d’une touche de fantastique que j’ai dévoré !

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